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méthode subjective, non-seulement parce qu’elle est une introduction nécessaire à l’autre science, mais encore parce qu’elle constitue à la psychologie un cachet et un caractère propres d’indépendance.

Il nous reste à faire connaître une troisième période : celle dans laquelle nous sommes encore aujourd’hui. On reconnaît encore, comme Spencer, les deux psychologies séparées, mais en renversant leur ordre de valeur respective, c’est-à-dire en considérant la psychologie subjective comme un simple vestibule ou passage à la psychologie objective et physiologique, laquelle est la seule véritablement scientifique. Ce point de vue a été développé par M. Ribot dans ses divers ouvrages et surtout dans la préface de son livre sur la Psychologie allemande.

Voici la première objection qu’il fait valoir contre la psychologie classique. La psychologie subjective, dit-il, est purement descriptive ; elle n’est pas explicative. Elle ne sort pas du domaine de la conscience vulgaire ; elle ne va pas jusqu’à la connaissance scientifique, et ne s’élève pas au-dessus des considérations littéraires et de sens commun.

Cette objection contient deux considérations différentes et même hétérogènes. En effet, une connaissance purement descriptive n’équivaut pas du tout à la connaissance vulgaire. Quand même la chimie se bornerait à la description des corps, elle serait encore très au-dessus de la connaissance vulgaire. Dire d’ailleurs que la psychologie de Condillac ou de Leibniz équivaut à la conscience vulgaire d’un paysan ou même de l’homme le plus instruit est une assertion qui ne mérite vraiment pas d’être discutée. Même le fait de mettre en ordre les notions de la conscience vulgaire est quelque chose qui est encore infiniment au-dessus des forces de cette même conscience. Mais indépendamment de ce travail de coordination, que d’innombrables constatations ou même d’analyses de faits se rencontrent dans les traités de psychologie que ne connaît pas la conscience vulgaire ! J’envie, pour ma part, les savans qui se croient tellement au-dessus de la psychologie classique qu’ils n’ont plus rien à y apprendre. Quant à moi qui, depuis plus de quarante ans, étudie ces sortes de matières, j’avoue que je n’ouvre pas un traité de psychologie, je ne dis pas des plus grands maîtres, mais des plus humbles, un Cardaillac, un Adolphe Garnier, sans y apprendre quelque chose que je ne savais pas. Il y a donc là tout autre chose que de la littérature et du sens commun.

La psychologie, même subjective, est donc une science. Admettons qu’elle ne soit que descriptive. Qu’importe. Est-ce qu’une science descriptive n’est pas une science ? La minéralogie n’est