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perte de vue, il n’y a que peu de temps, sur les caisses d’épargne, sur le crédit agricole : on n’a pas tardé à s’arrêter, parce qu’on s’est aperçu qu’on jouait avec des chimères, qu’on risquait de compromettre les intérêts les plus sérieux pour de vagues et irréalisables conceptions. On a discuté tout récemment avec une vive et patriotique émotion sur les crédits de la marine qui ont certes de l’importance puisqu’ils touchent à la défense nationale, à la constitution de nos forces navales, à l’efficacité de nos armemens maritimes ; on s’est passionné un moment, on a paru vouloir scruter tous les mystères, au risque de provoquer des divulgations indiscrètes ; — puis on a pris le parti de tout voter en ajournant au mois de novembre les explications décisives. Ces jours passés encore, on en était à cette longue, à cette sérieuse discussion qui s’est ouverte sur le renouvellement du privilège de la Banque de France, c’est-à-dire sur un des fondemens du crédit public. Les discours n’ont certes pas manqué, tout avait été dit ; ici encore on s’est arrêté à mi-chemin, laissant en suspens une question des plus graves, et en définitive on s’est jeté à bride abattue sur les quatre contributions qu’on est bien obligé de voter avant les vacances d’été, avant la réunion des conseils-généraux chargés de la répartition. On ne peut pas dire précisément que ce soit la politique des résultats : c’est la politique des ajournemens et de la confusion.

Eh bien ! oui, on n’a rien fait, on n’a du moins rien décidé, on n’a rien mené jusqu’au bout. Cette session, sauf les accidens violens de discussion qui naissent toujours du choc des passions religieuses, a été assez terne, souvent interrompue, passablement décousue. Les quelques débats qui ont signalé la fin d’une session par elle-même assez stérile ne laissent pas cependant d’avoir leur signification et d’être instructifs, parce qu’ils dévoilent l’état des esprits, le danger des expériences chimériques, l’altération des idées de gouvernement et d’organisation publique. C’est surtout l’intérêt de cette forte et substantielle discussion qui s’est engagée sur la constitution de la Banque de France, où ont figuré tour à tour M. Millerand, M. Camille Pelletan, représentant les idées de faux progrès, de fausse démocratie, et, d’un autre côté, M. Léon Say, M. Henri Germain, M. le ministre Rouvier, M. le rapporteur Burdeau, défendant avec l’autorité d’une raison lumineuse les conditions les plus essentielles du gouvernement et du crédit. La controverse a été vive, prolongée : la lumière en est sortie et on ‘avait pas besoin d’attendre six mois, peut-être un an, peut-être plus pour se prononcer sur un des premiers intérêts de la France.

Assurément, s’il y a désormais une question simple, saisissable, mise dans tout son jour par la discussion comme par l’histoire, c’est cette question de la Banque de France qui vient de se raviver tout entière à propos du renouvellement du privilège qu’elle reçoit de l’État pour l’émission de ses billets. La Banque est un peu dans sa sphère comme