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Fesch, Maury ne semblait-il pas tout désigné ? Si rien n’autorise à l’affirmer, tout porte à croire que ce fut l’arrière-pensée de Napoléon. Quant à Maury, il était sans doute, en 1810, dans l’état d’esprit qu’il avouait ingénument à l’ouverture du conclave de Venise. Comment, dès lors, eût-il encouru la disgrâce de l’empereur ? Comment eût-il décliné des fonctions qui semblaient un acheminement vers de plus hautes destinées ? Il se laissa nommer archevêque de Paris. Mais la fortune qui l’avait conduit d’une main si sûre, qui l’avait élevé si haut, et qui pour la seconde fois faisait miroiter devant ses yeux la tiare, la fortune l’abandonna, alors qu’il paraissait plus près du but suprême auquel se puisse hausser l’ambition d’un prêtre.

L’archevêque nommé de Paris, c’est ainsi qu’il se qualifiait lui-même, obtint facilement du chapitre le mandat dont il avait besoin. Mais sa qualité de cardinal, ses anciennes relations si amicales avec Pie VII, et le souci de son propre avenir ne lui permettaient guère d’ignorer entièrement l’existence du prisonnier de Savone. Il notifia au pape sa nomination, lui fit part des conditions dans lesquelles il allait assumer l’administration du diocèse de Paris, exprima le vœu d’obtenir bientôt l’investiture canonique et termina sa lettre en sollicitant la bénédiction apostolique. La réponse ne se fit pas attendre. Ce fut un bref foudroyant. Le pontife, si plein de douceur avec ses geôliers, ne transige pas avec un homme lié envers lui par le serment d’obéissance. « Quittez donc sur-le-champ cette administration, écrit-il. Non-seulement nous vous l’ordonnons, mais nous vous en prions, nous vous en conjurons, pressé par la charité personnelle que nous avons pour vous, afin que nous ne soyons pas forcé de procéder, malgré nous, et avec le plus grand regret, conformément aux statuts des saints canons. » Le gouvernement impérial s’appliquait alors à intercepter tous les rapports entre l’exilé de Savone et le clergé français. Ce bref resta inconnu du public au moment où il fut écrit. Maury nia toujours qu’il l’eût reçu. La vérité paraît être qu’il ne l’avait pas reçu officiellement, par la bonne raison que la voie officielle était alors coupée, mais qu’il le connaissait et qu’il n’en tint pas compte. Il s’installa au palais des archevêques de Paris et prit le gouvernement de l’archidiocèse. Ce que fut ce gouvernement, devant l’hostilité sourde du chapitre, devant l’opposition froide, correcte, mais constante du chanoine d’Astros, M. le comte d’Haussonville l’a conté en détail et la publication de M. Ricard n’ajoute rien de bien essentiel à ce que l’on connaît déjà. On aimerait à être fixé sur le rôle de Maury dans l’arrestation de l’abbé d’Astros, qui expia par une longue et arbitraire détention à Vincennes le crime