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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/573

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tant de ravages et de contacts désastreux, il n’a point l’aspect d’une ruine. Loin de là, avec son intégrité vénérable, il est encore vivant. Et cependant par combien de vicissitudes n’a-t-il point passé !

On voit dans Dion Cassius qu’en l’an 80, sous le règne de Titus, il fut gravement endommagé par le feu. Ce qui périt certainement alors, ce fut le monument élevé par Agrippa. Domitien le rétablit ; mais trente années plus tard, du temps de Trajan, un nouvel incendie y fut allumé par la foudre. Après quelque temps, vers 123, Adrien le restaura en même temps que d’autres édifices qui en étaient proches. Enfin, au plus tôt en 203, Septime-Sévère et son fils, qu’il s’était associé, le remirent dans tout son éclat ; car, comme le porte l’inscription gravée aussi sur le frontispice du monument, le temps l’avait ruiné. Le latin dit corruptum, ce qui peut impliquer quelque chose de plus que des dégâts matériels. N’aurait-il pas été dénaturé ?

Quoi qu’il en soit, voilà une première période de l’existence du Panthéon, et déjà quelques questions viennent se poser. Si le monument a été construit, dans le principe, tel qu’il a été restitué et qu’on le voit encore, comment a-t-il pu brûler ? Le portique, si les poutres de sa charpente étaient seulement revêtues de bronze, était exposé à devenir la proie des flammes. Mais dans la rotonde, où il n’entre pas de bois, rien ne pouvait servir d’aliment au feu : sa construction en briques la rend incombustible. Remarquons qu’après la réfection d’Adrien, malgré tous les hasards qu’il devra traverser, le Panthéon ne brûlera plus. En tout cas, à partir de Septime-Sévère, il a pris sa forme définitive, celle qu’il a conservée jusqu’ici.

Depuis ce moment, un grand silence se fait. Mais on peut penser qu’en 399 le sanctuaire de la Gens Julia fut atteint par la loi d’Honorius et fermé avec les derniers temples païens. Et on n’en parle plus jusqu’en 608, où le pape Boniface IV l’obtint de l’empereur Phocas et en fit une église. Par ses soins, le culte de la Vierge y fut établi conjointement avec le culte de tous les martyrs, qui vint y remplacer celui de tous les dieux. Des reliques saintes, tirées des premiers cimetières chrétiens, y furent apportées sur plusieurs chariots et y furent placées sous le maître-autel. Longtemps on vit, à droite de l’abside, une vieille peinture représentant Boniface tenant dans sa main le Panthéon, auquel il avait donné le nom de Sainte-Marie-de-la-Rotonde.

Mais quel avait été son sort pendant les deux cent neuf ans qui s’étaient écoulés depuis qu’il avait cessé d’être un temple, jusqu’au moment où il avait reçu du pape Boniface une autre destination religieuse ? Ce serait, je crois, un point à éclaircir. Fut-il simplement interdit ? Servit-il à quelque usage civil ? Fut-il réuni