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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/696

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Le coup est sensible ; les partisans de Cleveland l’attendaient, mais ils espéraient encore un vote divisé, bien qu’hostile. Reste la Pensylvanie ; sera-t-elle fidèle et son vote sera-t-il unanime ? Seule, elle peut, par le nombre de ses suffrages, contre-balancer New-York.

— La Pensylvanie, répond son président, enregistre ses 64 voix au nom de Grover Cleveland. C’est la victoire, sinon certaine encore, du moins probable. Surexcités par une longue attente, par l’énervement d’une séance de quinze heures, les amis de Cleveland redoublent d’ardeur ; le tumulte devient indescriptible, lorsqu’au milieu du bruit la voix de stentor du délégué du Texas proclame que les 23 voix de son État vont à Cleveland. Emportés par leur enthousiasme, des délégués déploient, au-dessus de la convention, la bannière bleue et or du candidat victorieux. Les protestations éclatent dans les rangs de leurs adversaires, les cris : « A l’ordre ! au vote ! » retentissent. Les poings se lèvent, les menaces s’échangent, la lutte va s’engager quand Dickinson, du Michigan, intervient, adjure ses amis, en leur remontrant que, tant que le scrutin n’est pas clos, les délégations peuvent modifier leur vote et que cette manifestation imprudente et anticipée peut déterminer un revirement et faire reporter sur un seul des candidats opposans, les suffrages disséminés sur les autres. On l’écoute et le calme renaît.

L’appel continue ; chaque chiffre énoncé confirme le succès de Cleveland. Huit États se prononcent encore pour lui ; après eux, les territoires font acte d’adhésion. Le scrutin est clos, la majorité absolue est atteinte et dépassée. Le secrétaire se lève pour proclamer le résultat, mais le sénateur Daniels, de la Virginie, le devance.

— Je demande, dit-il, que le président de la convention mette aux voix la résolution suivante : « Grover Cleveland est désigné, à l’unanimité et par acclamation, le candidat du parti démocratique à l’élection présidentielle de 1892. »

Un tonnerre d’applaudissemens accueille cette proposition conforme aux précédens. Bourke Cockran, délégué de New-York, réclame la parole. On s’attend à une protestation.

— Et moi, dit-il, j’invite la convention à prendre note de ce fait que la délégation de New-York, unanime jusqu’ici en faveur de Hill, s’incline devant la décision de la majorité et se lèvera comme un seul homme pour proclamer Cleveland l’élu du parti démocratique. »

L’union est faite. Le président invite la convention à voter par assis et levés ; tous les délégués sont debout, salués par les acclamations des spectateurs. Le jour se lève ; il est quatre heures du