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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/795

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étaient près de quatre cents ! On pense bien que tous ne participaient pas aux travaux du conseil. La plupart ne s’y rattachaient que par un lien nominal. Les uns servaient dans la diplomatie en qualité de ministres plénipotentiaires, comme M. de Latour-Maubourg, ou de consuls-généraux et de secrétaires de légation, ou avec la qualification nouvelle d’auditeurs d’ambassade, comme M. le duc Victor de Broglie ; les autres faisaient partie de l’administration départementale, en qualité de préfets, comme M. de Barante, ou de sous-préfets : chaque département, à peu près, avait son auditeur. Enfin, ils furent appelés à exercer à la tête de deux grands services, les ponts et chaussées et la police, des fonctions très hautes, dont l’organisation mérite d’être rappelée, car on saisit là sur le vif le rôle que l’empereur attribuait à l’auditorat.

Dès 1808, neuf auditeurs avaient été placés dans l’administration des ponts et chaussées, que dirigeait le jeune comte Mole, alors conseiller d’État. Ils devaient être les collaborateurs et les lieutenans du directeur-général. Tous les dossiers importans du service passaient par leurs mains, et leur contrôle s’exerçait même sur le personnel technique, à commencer par les quinze inspecteurs divisionnaires. Un trait saillant de leurs attributions était les tournées qu’ils faisaient dans les départemens, visitant les travaux, examinant les comptabilités, compulsant les registres dans les bureaux des ingénieurs de tout grade. Ils avaient entrée au conseil des ponts, où ils prenaient rang immédiatement après le directeur-général[1]. L’année suivante, quatre auditeurs furent attachés à la préfecture de police et le même nombre fut délégué auprès de chacun des conseillers d’État chargés des trois premiers arrondissemens de la police. On sait quelle importance cette branche d’administration avait aux yeux de Napoléon. — Là aussi leurs fonctions ne se bornaient pas à une besogne de cabinet : l’empereur voulait qu’ils pussent être envoyés en mission, pour procéder aux interrogatoires, inspecter les prisons, étudier les affaires sur place. « Mon but secret, disait-il à cette occasion, est d’avoir des hommes de confiance qui apprennent la marche de la police et se mettent au fait de ses détails… » Retenons ces paroles ; elles expliquent mieux que toute définition ce que, dans sa pensée, devait être l’auditorat : une école de très haute administration, la pépinière où des sujets d’élite croissaient et mûrissaient pour les grandes affaires.

M. Thiers, dans son Histoire du consulat et de l’empire, attribue à Sieyès l’institution du conseil d’État, et lui rapporte tout

  1. Je n’exagère rien, et le lecteur trouvera dans le décret du 27 octobre 1808 la nomenclature de ces attributions si étendues, que l’empereur ne craignait pas de confier à de très jeunes gens.