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l’an VIII. Mais il y avait cette différence que, dans le système de 1849, l’intervention du conseil n’était obligatoire que pour les projets de loi qui émanaient du gouvernement ; encore cette obligation ne s’étendait-elle ni au budget, ni aux actes diplomatiques, ni aux projets urgens, et n’existait en aucun cas pour les propositions parlementaires ; au lieu que le système de 1852 soumettait à son examen préalable tous les projets du gouvernement, sans exception, y compris même la loi de finances. Et comme l’article 8 de la constitution enlevait aux chambres le droit d’initiative, qu’il réservait au seul gouvernemental suit de là que pas une parcelle de la matière législative n’était soustraite à l’action du conseil d’État.

Restait, il est vrai, le droit d’amendement ; voie détournée, fissure étroite par où l’initiative des députés pouvait encore se faire jour. Mais l’article 40 de la même constitution prescrivait le renvoi de tous les amendemens au conseil ; et c’était seulement dans le cas où il les approuvait que, munis de son laissez-passer, ils étaient admis à reparaître devant la chambre. Exorbitante prérogative, qui permettait à l’assemblée du prince de tenir les mandataires du suffrage universel en échec !

Il y avait, entre les deux systèmes, une autre différence, et il est juste de reconnaître qu’elle était tout à l’avantage de la nouvelle organisation. En réglant les fonctions législatives du conseil d’État, les auteurs de la loi de 1849 avaient commis une erreur grave. Ils l’isolaient de la chambre comme ils l’isolaient de l’administration. Dès qu’il avait achevé l’élaboration d’un projet de loi, il en était dessaisi et, devenu étranger à son œuvre de la veille, la voyait affronter sans lui les hasards, les surprises de la discussion publique. De son côté, l’assemblée nationale se trouvait en présence d’un texte inconnu, qui risquait de n’être qu’un tissu de dispositions énigmatiques, dont les raisons véritables lui échappaient. Au contraire, dans le système de 1852, le conseil ne se borne pas à préparer les lois ; il en soutient la discussion. Trois orateurs choisis parmi ses membres accompagnent le projet devant le corps législatif, et là l’expliquent, le commentent, le défendent. C’était la procédure instituée par le règlement du 5 nivôse an vin.

Mais les temps, malgré tout, n’étaient plus les mêmes. Le corps législatif du second empire, quelle que fût sa dépendance ou sa docilité, n’était plus le figurant muet et l’esclave bâillonné qu’il avait pu être un demi-siècle avant. Après trente-six ans de régime représentatif, on n’avait pas jugé qu’il fût possible de lui ôter l’usage de la parole. Et il y eut dès l’abord, dans le mur d’airain de la constitution césarienne, une porte ou une brèche par où peu à