passionné, et il m’invite, en terminant l’audience, à visiter son jardin et sa serre. Rien de bien curieux à voir dans ce jardin. Un petit rentier a des fleurs plus belles.
Peu après, quittant le palais, je revenais chez le premier ministre.
Quel est donc ce khan, ce protégé de l’empire russe ? Tâchons de pénétrer un peu dans sa vie privée, de nous rendre compte de ses habitudes, de voir comment le khan de Khiva passe sa journée.
Le matin, au sortir du harem, il entre dans une salle, sorte de cabinet où il reçoit ses courtisans. Puis il se promène dans son jardin, causant, pour se distraire, avec ses makrames (aides-de-camp) ou avec ses mascarabazes (sortes de boulions auxquels tout est permis et qui amusent le khan de leurs saillies). À onze heures, il entre dans ses appartemens privés, où, d’après l’étiquette, ses petits-fils peuvent seuls pénétrer avec lui. C’est pendant ces instans que le khan lit des livres sacrés, car il aime à s’occuper de choses religieuses et à composer sur des sujets pieux. Il ne revient dans la partie du palais où sont ses officiers que vers les deux heures.
Il s’assied alors sur une terrasse du palais ; un messager en annonce la nouvelle aux courtisans, qui pénètrent jusqu’au khan, et peuvent, d’après l’étiquette, s’entretenir avec lui d’une à cinq minutes ; c’est à cette heure qu’il reçoit aussi les étrangers. Les réceptions durent jusque vers trois heures. Alors le khan revêt un grand bonnet en peau de mouton ayant à la partie supérieure un fond en drap rouge ; il s’assied sur un lit de repos où sont étalés son sabre, sa hachette, son revolver, un poignard, et, en cet appareil, il reçoit les sujets qui ont quelque plainte à lui faire ou quelque supplique à lui adresser. Il est alors grand justicier et justicier terrible, statuant toujours sans appel.
Pendant que défilent devant lui les plaignans, le khan devra, comme à l’heure de la prière, s’abstenir de fumer et de boire le thé. L’étiquette même lui enjoint de garder la gravité, de ne point sourire pendant tout ce temps, obligation souvent difficile, car les Khiviens viennent raconter à leur souverain leurs histoires de famille, et, souvent même, des femmes viennent se plaindre du délaissement de leur mari.
Les plaignans sont introduits par des soldats ou par des petits courtisans ; ils arrivent auprès du khan et s’en éloignent par des portes spéciales.
Le plaignant arrive vers le khan et s’arrête à une distance de vingt mètres. Au milieu de cet espace est le yéçaoul-bachi, qui est, d’après l’étiquette, l’intermédiaire obligé entre le khan et le plaignant.