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phosphates. Là où leur action se fait surtout sentir, c’est dans les prairies naturelles ou artificielles, auxquelles elles impriment une vigueur de végétation extraordinaire, et dans lesquelles elles favorisent surtout le développement des légumineuses. Leur action n’est pas due seulement à l’acide phosphorique qu’elles renferment ; la chaux libre ou combinée qui entre en forte proportion dans leur constitution joue un rôle des plus utiles, surtout lorsque les sols sont peu calcaires.

L’utilisation des scories phosphatées est très avantageuse ; en effet leur prix ne dépasse pas de beaucoup celui des phosphates naturels. Leur emploi est entravé dans une certaine mesure, parce que leur production est localisée dans les grands centres métallurgiques et que, pour arriver aux régions éloignées des usines, elles ont à subir des frais de transport considérables. C’est surtout dans les départemens de l’Est et du Nord que se trouvent les forges produisant les scories phosphatées. L’agriculture de ces régions trouve là des ressources précieuses. Mais dans le Midi, dans le Sud-Ouest, on doit les faire venir de loin, et les frais de transport les grèvent à tel point qu’on a moins d’intérêt à s’adresser à elles.

Une dose de 400 à 500 kilogrammes pour les blés, pour les plantes sarclées, pour les prairies, n’a rien d’exagéré. C’est la question du prix de revient qui doit guider dans la détermination des quantités à employer.

Enfin, il est une source d’engrais phosphatés dont l’agriculture sait tirer parti : ce sont les os des animaux, dont le squelette est constitué en grande partie par du phosphate de chaux. Les récoltes que nous produisons ont presque toutes pour destinée finale de servir de nourriture à l’homme et aux animaux ; l’acide phosphorique qu’elles contiennent se concentre dans les os. Les utiliser à la production de nouvelles récoltes, c’est donc obéir à la règle de la restitution. Mais tous les os ne rentrent pas dans la circulation agricole ; ceux de l’homme en particulier restent immobilisés dans les cimetières, dans lesquels s’accumulent des quantités énormes d’acide phosphorique. On peut calculer qu’en France plus de 600,000 kilogrammes de ce principe fertilisant sont ainsi soustraits annuellement à l’agriculture par la sépulture humaine. L’on ne saurait songer à porter une main sacrilège sur ces restes que les mœurs de tous les temps nous ont appris à respecter. On a vu cependant des industriels, auxquels ces sentimens si légitimes étaient étrangers, exploiter les champs de bataille pour en utiliser les ossemens à la fabrication d’engrais chimiques. L’Angleterre paraît avoir eu le monopole de cette exploitation.

Pour les os des animaux, on n’est point retenu par les mêmes