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aristocrate fait si bonne contenance qu’un homme du peuple, touché de sa crânerie, le tire de la bagarre. Une autre fois, apercevant le carrosse de la reine entouré par une bande de forcenés et la malheureuse princesse qui demande un verre d’eau, il se fait rouer de coups en prêtant secours à l’officier qui l’apportait. Marie-Antoinette remarqua cet enfant, toujours aux aguets sur son passage. Un jour, au sortir du Jardin des Plantes, elle dit à Madame Elisabeth, avec un regard attendri : « Voilà un bon jeune homme ! » Ce mot, ce regard, achevèrent d’enflammer le royalisme de Guillaume Hyde, en faisant de lui un séide de la beauté et du malheur.

Il abandonna ses études et se fit inscrire parmi les gentilshommes qui formaient une garde volontaire aux Tuileries. Rappelé en Nivernais quelque temps avant le 10 août, averti trop tard du danger qui menaçait la famille royale, il ne put revenir que le soir de la catastrophe. Pendant tout le procès du roi, il ne quitta guère l’assemblée : faufilé dans une tribune, il avait peine à se contenir et à comprendre la résignation de Louis XVI. Le jour de la condamnation, M. de Malesherbes sortit de la salle appuyé sur le bras du jeune royaliste. Hyde avait multiplié les démarches auprès des représentans de son département pour obtenir d’eux un vote favorable ; il les entendit avec désespoir manquer à leurs promesses dans la fatale nuit. Muni d’une recommandation de l’un d’eux, il s’était enhardi jusqu’à pénétrer chez Coffinhal, persuadé que ce théoricien de philanthropie écouterait la voix de l’humanité. Il força la porte du conventionnel, encore au lit, et ses conjurations n’eurent d’abord aucun succès. La scène telle qu’il la raconte est bien de l’époque. — « La pièce où je me trouvais était mal éclairée par un volet, entr’ouvert seulement au moment où j’étais entré : je ne distinguais qu’imparfaitement la figure de Coffinhal, encore couché au fond de son alcôve. Tout à coup, une petite voix perçante se fit entendre, semblant sortir de dessous les couvertures : « 11 a raison, ce jeune homme, disait-elle, tu devrais faire ce qu’il dit. — Tais-toi, reprit le voisin. — Je t’en prie, mon petit Coffinhal, ne laisse pas voter la mort de ce pauvre homme. » Je fus très surpris de voir mes instances appuyées par cet étrange auxiliaire, et je dois dire que ses efforts de persuasion me parurent beaucoup plus efficaces que les miens. Ils arrachèrent une demi-promesse, que je n’aurais pas obtenue seul. Il m’était impossible de douter de la position sociale de ma nouvelle coopératrice : les termes employés, les séductions mises en œuvre, ne permettaient pas d’hésitation à cet égard. »

Quand on revoit ces croquis des nouveaux maîtres du pays, surpris dans le lâché de leurs habitudes, ces peintures des violences