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suite de quelque contestation, le khan de Khiva qui régnait alors boucha l’ouverture de l’harik. L’eau ne vint plus dans les jardins, qui se desséchèrent, et les Yomouds s’en allèrent dans les Bal- kans. Ceux qui demeurèrent menèrent la vie nomade. Il y en a encore beaucoup aujourd’hui.

Les yeux petits et un peu obliques, les sourcils touffus, les pommettes peu saillantes, le nez petit aux narines ouvertes, la barbe rare, les lèvres épaisses, les oreilles écartées par suite du lourd bonnet qu’ils portent, le type turkmène a un aspect rude et sauvage. Ce sont des cavaliers émérites, et ils formaient jadis les meilleures troupes du khanat. Ne vivant que de vols et de rapines, faisant à travers la steppe des expéditions à main armée, ils étaient redoutés de leurs voisins. Aujourd’hui, la steppe est tranquille, et, devenus de paisibles cultivateurs, abreuvant leurs bestiaux aux lacs et marais que les dérivations et infiltrations du fleuve remplissent annuellement, ils cultivent quelques champs dont ils ne tirent qu’un maigre produit[1].

Les Turkmènes se réunissent par groupe de quelques kibitkas. Autour de la kibitka, ils construisent un mur en pisé de forme quadrangulaire. La demeure du maître occupe le centre. Des hangars de branchages accolés au mur servent aux animaux. L’ornementation intérieure des tentes turkmènes se fait remarquer par son luxe. Les parois ainsi que la partie supérieure et le sol de la tente sont couverts de riches tapis.

Les femmes turkmènes sont admises dans les réunions d’hommes. En présence des anciens de la famille et des étrangers, elles se couvrent le menton et la bouche, tandis que le front et la partie supérieure du visage restent découverts. Il en est de fort jolies avec leurs cheveux noirs et leur teint sombre.

Les cultures turkmènes que l’on coupe sur la route s’étendent au hasard dans la steppe. Qu’un canal, amenant l’eau, soit alimenté d’une façon plus ou moins continue, et le Turkmène irriguera au hasard quelque lopin de terre, y plantera sa tente au printemps pour cultiver le sol, puis s’en ira errer dans les environs jusqu’au temps de la récolte ; il ne songera jamais à planter des arbres, à faire de ces travaux demandant une sorte de prévoyance, tel que peut en faire un Uzbeg.

Aussi, quel triste pays ! On parcourt des vingtaines de verstes sans voir un arbre. De grands espaces couverts de tamaris, de

  1. De ce que nous disons des Turkmènes, il nous faut excepter ceux qui vivent dans la circonscription (aksakalat) de Chiman (canton de Cheikh-Abas-Ali). Ceux-ci ne s’occupent que d’agriculture et vivent comme les Uzbegs, dont ils ont adopté les coutumes tant pour la construction des demeur que pour leur genre de vie (Avdakouschine).