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d’une grande utilité pour les nomades, car ils conservent les eaux de printemps pendant quelques mois. Dans ces argiles, les nomades creusent des puits de 6 à 10 mètres de profondeur, et en garnissent les parois de bois de saxaouls. L’eau y reste toute l’année et, bien qu’elle n’y soit jamais limpide, elle est cependant potable.

Auprès de ces takirs se rencontre encore, dans les sables du Karakorum, ce que l’on nomme des soris, c’est-à-dire des vallons profonds au fond de sable humide, dans lequel on découvre des couches d’un sable ferrugineux jaune et rouge où abondent des morceaux de gypse cristallin. À la profondeur de quelques pieds, se rencontre de l’eau salée amère. Parfois des cavités apparaissent au-dessous du niveau des takirs. Certains soris s’étendent sur une dizaine de verstes en longueur, ayant une largeur atteignant parfois une verste, avec des rives escarpées, et parfois plusieurs soris se suivent dans une même direction et sur une grande distance. Dans la partie orientale du Karakorum, c’est-à-dire dans les environs de Khiva, ils se rencontrent fréquemment, et beaucoup furent pris à tort pour l’ancien lit de l’Amou.

Les sables qui couvrent une grande partie des déserts du Karakorum ne présentent point partout le même aspect. Entre les mers Aral et Caspienne, vers le Sari-Kamish et l’ancien Uzboï, dans l’endroit où se faisait jadis l’union des bassins des deux mers, les sables sont plus mobiles, plus dénudés et présentent des séries de longues collines dont l’ascension et la descente sont très difficiles. Les takirs et les soris qui se rencontrent entre les hauteurs de sable abondent en débris de valves de mollusques et portent la trace de la présence de la mer en cet endroit. Dans l’intérieur du Karakorum, les collines de sable sont moins hautes, leurs formes sont plus affaissées, et les routes suivent les bancs d’argile entre les collines de sable. On trouve un certain nombre de puits, des ruines de grands caravansérails et des cimetières musulmans[1]. Il dut y avoir dans ce pays un mouvement commercial important.

Les Turkmènes qui m’accompagnaient depuis la halte d’Iliali ne tardent point à obliquer vers la droite. Leurs tentes sont proches, auprès d’un petit champ ; pas un arbre ; triste endroit balayé constamment par le vent. C’est là qu’ils vivent. C’est dans ce désert jaunâtre qu’ils errent avec leur troupeau.

« L’ombre des arbres ne nous est pas utile, dit un dicton turkmène, nous ne voulons pas être sous l’abri d’un chef. » Et un

  1. Kouchine, mémoire lu à la Société de géographie, novembre 1883.