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dynamite a-t-elle pu réagir deux, quatre, huit heures ou plus encore après les explosions, étant donné que le vent même avait renouvelé cette atmosphère dix, cent et mille fois dans l’intervalle ? Dans un cas il nous parle du vent et de sa direction, et dans d’autres il n’en fait pas mention ; ici il dit d’où viennent les nuages, là il ne dit rien. En un mot, l’observation est très défectueuse.

Il faut ajouter que les assertions du général Dyrenforth semblent sujettes à caution. M. G.-E. Curtis[1], un météorologiste qui a suivi les opérations, a fait entendre une voix très discordante. D’après lui, l’expérience du 9 août fut tout à fait insignifiante, — bien qu’elle ait été suivie de pluie le 10, — et dans le télégramme qui fut envoyé aussitôt après, il était expressément dit qu’on n’établissait aucun lien de causalité entre les explosions et la précipitation atmosphérique. L’expérience du 18 semble à M. Curtis avoir été faite dans des conditions particulièrement favorables : le temps étant couvert du 16 au 18 et le 20, et des orages étant visibles à l’horizon. Dans ces conditions toutefois, on observa à plusieurs reprises le fait intéressant que, si les explosions coïncidaient avec le passage d’un nuage très menaçant, il se produisait en trente ou quarante secondes une petite chute de pluie, d’ailleurs insignifiante. Le général par le d’une pluie torrentielle le 18 ; mais M. Curtis déclare froidement que le pluviomètre n’a enregistré qu’une couche de deux centièmes de pouce (le pouce a 25 millimètres), ce qui nous met fort loin de compte ; et il ajoute que pour les habitans du pays, la pluie était chose certaine ce jour, quoi que l’on fit ou ne fît pas, tant le temps était menaçant. Ceci réduit notablement la valeur de l’expérience. Reste celle du 25, la plus importante. Mais on n’a pas mesuré la quantité de pluie tombée, et un des membres de l’expédition déclara que ce n’était qu’une petite ondée (a sprinkle), et pour brocher sur le tout, les prédictions du météorologiste de la région, énoncées à Washington, pour le jour et la localité où se faisait cette expérience, étaient les suivantes : « Généralement beau, sauf des ondées locales. » Voilà bien des divergences d’opinion, et voilà qui réduit beaucoup la valeur des expériences.

Soit, dira-t-on, mais le fait est là : il a plu. Comment expliquer cela ? Il ne sera pas très facile d’expliquer la chose ; mais il est à peu près certain que l’interprétation du général ne vaut rien : tous les météorologistes seront d’accord sur ce point. Selon l’expérimentateur américain, la pluie, — en admettant qu’elle se rattache

  1. Rain making in Texas. (Nature, 22 octobre 1891, p. 594.)