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des droits sanitaires et quarantenaires ; il administrait lui-même son budget. Les directeurs des offices sanitaires d’Alexandrie, de Rosette, de Damiette, de Port-Saïd, de Suez, de Tor ou El-Wedj, de Souakim et de Massouah étaient placés sous ses ordres.

Cette organisation forte et indépendante a permis au conseil sanitaire international d’Alexandrie de remplir sa mission jusqu’au jour où les événemens politiques l’ont condamné à l’impuissance. Comme l’intendance sanitaire qu’il remplaçait, il a maintenu une surveillance active sur les provenances de l’Inde et de l’extrême Orient ; il a conjuré le péril que le pèlerinage de La Mecque nous fait courir tous les ans, en lui imposant une réglementation sévère confiée à des docteurs musulmans sous la direction du médecin sanitaire placé à Djeddah, le port le plus rapproché de La Mecque, celui dans lequel la plupart des pèlerins viennent s’embarquer.

Son rôle sanitaire a cessé le jour où les Anglais ont occupé l’Égypte. Après s’y être établis en maîtres, leur premier soin a été de supprimer les entraves que le service sanitaire de la Mer-Rouge apportait à leur commerce. Il fallait pour cela annuler l’influence française au sein du conseil d’Alexandrie, et y établir leur prépotence. Ils atteignirent facilement leur but, en y faisant entrer leurs créatures, qui constituèrent une majorité en leur faveur. En 1883, le conseil n’existait plus que de nom, le désordre était à son comble et les mesures sanitaires tombaient peu à peu en désuétude.

De pareilles imprudences ne se commettaient pas sans que la France fît entendre ses protestations. Pendant six mois, le comité consultatif d’hygiène et l’inspecteur-général des services sanitaires n’ont pas cessé de prédire l’invasion prochaine du choléra en Égypte d’abord et en Europe ensuite ; pendant six mois, notre consul et notre médecin sanitaire à Alexandrie ont transmis ces avertissemens au conseil international, sans parvenir à se faire écouter. Au mois de juin 1883, toutes les mesures prophylactiques étaient supprimées à Suez ; le 25 de ce mois, le choléra éclatait à Damiette, importé par les chauffeurs du Timour ; le 26, il était à Mansourah, et le 27 à Port-Saïd. Dans les premiers jours de juillet, il entrait au Caire ; il se répandit de là dans toute l’Égypte et arriva à Alexandrie en août. Ce fut là sa dernière étape. Le 27 août, on accusait 28,000 décès depuis le début de l’épidémie ; mais, de l’avis de tous les médecins sanitaires, il y en avait eu le double.

Lorsqu’on apprit en Europe que le choléra avait envahi l’Égypte, les puissances qui ont un littoral méditerranéen, instruites par l’expérience, comprirent le sort qui les menaçait et eurent recours sur-le-champ aux mesures de préservation les plus rigoureuses ; mais on se rassura peu à peu, les consignes furent moins sévèrement exécutées et, le 14 juin 1884, le choléra éclata à Toulon. Ce fut le