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de chaux assez grand pour la rendre incrustante. » Dans un langage qu’on croirait d’aujourd’hui, il ajoutait : « Il n’est pas plus permis de marchander l’eau saine et agréable à l’ouvrier que l’air pur et le bon pain. »

Mais eau limpide, fraîche, saine et agréable, ce n’était ni à Paris, ni dans les environs immédiats qu’on pouvait espérer la rencontrer. La formation géologique sur laquelle est bâti Paris abonde en matériaux de construction de bonne qualité et d’une exploitation facile : et cette heureuse circonstance n’a pas été sans influer sur les destinées de la ville. Mais on ne peut pas tout avoir. En particulier, la présence même dans cette formation d’une puissante assise de gypse, matière première du plâtre dont nos maçons savent taire un si habile usage, condamnait Paris à ne voir jaillir de son sol que des sources d’une eau que le contact avec cette roche rendait au plus haut point séléniteuse, c’est-à-dire dure, rêche, peu propre à la cuisson des légumes, au blanchissage et aux autres usages domestiques. Telle est l’eau de ces sources de Montmartre, Belleville, des Prés-Saint-Gervais, et quelques autres, plus petites encore, si prisées cependant au temps jadis.

Cette sorte de vaste lentille de gypse dont Paris occupe, pour ainsi dire, la partie centrale, s’étend de Meulan à Château-Thierry. L’eau fraîche et pure ne pouvait donc se trouver qu’au-delà de ces limites. Les belles et savantes études de celui qu’on peut appeler l’historiographe du bassin de la Seine lui avaient fait voir que les meilleures eaux, celles qui, par leurs qualités, répondaient le mieux à son idéal, se trouvaient, soit dans la craie blanche, qui forme autour de la région de Paris un anneau concentrique à la formation gypseuse, soit au-delà encore, aux limites de ces calcaires, qui constituent l’ossature de la chaîne de la Côte-d’Or, et que leur aspect, régulièrement granuleux, a fait désigner sous le nom d’oolithe.

Des groupes importans de sources existaient dans l’une et l’autre formation. Il était naturel de chercher d’abord parmi les plus voisines, celles de la craie. On songea d’abord à la Somme-Soude, charmante petite rivière de la Champagne, où les premiers jaugeages avaient accusé un volume de près de 40,000 mètres cubes. Mais les sécheresses persistantes des années 1858 et 1859 démontrèrent la variabilité de ce débit qui se réduisit de plus des deux tiers, à l’époque de l’année où précisément les besoins sont les plus grands. Il fallut y renoncer.

L’annexion de la banlieue vint d’ailleurs, non pas compliquer le problème, mais lui donner plus d’ampleur. Les nouveaux Parisiens devaient être traités comme les anciens. Ce n’était plus 1,114,000 habitans qu’il fallait pourvoir d’eau de source, mais