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défaut, l’eau recueillie dans les drainages de sols perméables convenablement choisis, ou celle puisée dans les parties relativement saines des rivières, peuvent, après filtration, être considérées comme inoffensives pour la santé publique.

Arriver à répandre des notions de ce genre ne sera, certes, pas facile à Paris, étant donné l’état d’esprit de la population. Mais si le Parisien est sujet à ce qu’on appelle aujourd’hui l’emballement, il prend volontiers, le premier moment passé, le temps de la réflexion. On ne doit donc pas désespérer de le voir modifier son opinion et sur les microbes et sur les eaux qu’il peut être appelé à boire. Amener ce revirement ne sera pas en tout cas l’affaire d’un jour, et il serait peut-être bon de ne pas trop attendre pour s’en occuper.

Rappelons-nous, en effet, que Paris n’a pas actuellement assez d’eau potable : que dans quelques mois, à l’arrivée de l’Avre, il aura strictement l’indispensable. Mais il y a lieu de prévoir l’avenir, et un avenir très prochain, dans les éventualités duquel il faut faire figurer, d’un côté, l’accroissement annuel probable de la population parisienne, les 600,000 habitans de la banlieue admis aux mêmes bienfaits que leurs concitoyens intra muros, le développement enfin, volontaire ou imposé, des habitudes hygiéniques chez tout ce monde, et d’autre part, l’incertitude très grande où l’on est de pouvoir dériver encore de nouvelles sources, suffisantes pour ces nouveaux besoins.

Il y a quelque temps, un des hygiénistes les plus perspicaces de notre époque définissait ainsi le double devoir qui incombe aux administrateurs de nos modernes cités : « Deux conditions sont nécessaires pour l’assainissement d’une ville. Elle doit recevoir en quantité suffisante une eau potable, et elle doit écouler sans stagnation possible, et rejeter au loin, avant toute fermentation, les matières impures et les eaux usées de la vie et de l’industrie[1]. »

Et citant ces paroles à ses collègues, un conseiller municipal s’écriait aussitôt : « Messieurs, c’est là tout notre programme. » Oui, c’est là tout le programme. Espérons-le, il n’aura rien de commun avec ces programmes électoraux, dont un député de Paris a, pour l’étonnement des âges futurs et l’enseignement de celui-ci, fait rassembler la curieuse collection. C’est un programme dont on veut, dont on poursuit l’accomplissement.

L’œuvre est considérable. Je viens d’essayer de montrer tout ce qu’en exige encore la première partie. La seconde ne demande pas moins de sagacité, de persévérance et d’argent.

J. Fleury.
  1. Docteur Proust, Rapport au conseil général d’hygiène.