Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
NOTES SUR LE BAS-VIVARAIS

I.
LE PAYS.

Au temps de mon enfance, dans la province où j’ai grandi, la bibliothèque de tout bon Vivarois contenait deux livres de fonds : ouvrages obscurs, presque introuvables aujourd’hui, qui furent pour moi les premières, les inépuisables sources de l’enchantement du cerveau, des curiosités passionnées, des visions intérieures. L’un d’eux s’appelait les Commentaires du soldat du Vivarais ; c’était le récit d’un gentilhomme du parti catholique, qui avait couché sur le papier les belles actions des siens pendant la plus dure période de nos guerres de religion, entre 1619 et 1630. Guerre de Troie, rallumée en Vivarais après les édits de pacification par les yeux de la belle Paule de Chambaud ; le brave Brison, chef des huguenots, le jeune Lestrange, un des principaux parmi les catholiques, se disputaient l’héritière du château de Privas. L’incendie parti de nos montagnes gagna tout le royaume ; la prise de La Rochelle ne découragea pas nos religionnaires, et Louis XIII ne put les réduire qu’en venant de sa personne assiéger Privas. Pour comprendre la durée et l’acharnement des luttes religieuses dans la province de France qui en a le plus souffert, il faut lire notre Montluc cévenol ; à la satisfaction naïve avec laquelle il narre par le menu, sans se lasser de leur monotonie, les arquebusades,