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imposantes, les forces de deux corps d’armée poursuivant leurs opérations, savamment préparées, sous le commandement en chef de M. le général de Cools. Elles ont un intérêt de plus : elles sont la première expérience d’une organisation nouvelle, celle des régimens mixtes formant deux divisions, dont l’une vient des environs de Toulouse, et allant se confondre avec l’armée active dans les deux corps en présence. Ceci est d’autant plus sérieux qu’on va pouvoir juger ce que seront ces divisions mixtes réunies aux divisions actives.

Assurément il y a toujours un point faible : ces manœuvres, comme toutes celles qui leur ressemblent, sont, dira-t-on, arrangées à plaisir ; elles ne sont qu’une grande et trompeuse fiction de la guerre. Cela se peut. Elles ne sont pas moins une utile et sérieuse école toujours ouverte, une expérience patiemment et incessamment poursuivie par des chefs éprouvés qui portent dans leur œuvre autant de zèle que de patriotisme. Elles accoutument les hommes aux grandes réunions, à la vie d’activité, de solidarité et de discipline. Elles peuvent avoir un effet décisif pour l’instruction des cadres, qui sont le ressort de l’armée, bien plus que pour l’instruction des soldats. Elles entretiennent l’esprit militaire qui, avec le patriotisme, est le seul lien moral de ces vastes agglomérations d’hommes formées pour le combat. C’est l’intérêt de ces grands exercices, intérêt attesté et rehaussé par la présence des chefs du gouvernement, de M. le président de la république, de M. le ministre de la guerre, aux revues d’honneur, par l’empressement des populations autour de ces spectacles virils qui leur parlent de défense nationale. Et c’est ce qui fait aussi que ces manœuvres n’ont rien de banal, qu’elles gardent un caractère à part dans cette profusion de fêtes, de manifestations publiques qui se multiplient à l’infini et à tout propos.

Eh ! sans doute, en dépit des polémiques et des colères radicales contre un prétendu retour du gouvernement personnel, la présence de M. le président de la république est toute simple, toute naturelle, partout où il y a un intérêt national, partout où il y a la France à représenter. C’est son droit constitutionnel, c’est sa fonction, c’est par une sorte de convenance publique et avec l’assentiment public qu’il joue son rôle de grand-maître des cérémonies de France. Le chef de l’État a sa place à Montmorillon devant l’armée, comme il avait récemment sa place à Chambéry, à l’occasion du centenaire de la réunion de la Savoie, et on ne peut pas dire non plus qu’ici ces fêtes de Savoie se confondent avec toutes les fêtes banales, qu’elles aient rien de vulgaire, au moins par la pensée qui les a inspirées. Les braves habitans de la Savoie ont tenu à célébrer, par une solennité commémorative et par un monument, la réunion de leur pays à la France. Par le fait, il y a eu deux réunions. Il y a eu l’annexion primitive, légendaire de 1792, suite de la conquête, de l’invasion française conduite par le général