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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/540

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dépenses de la cour, la misère des soldats, la puissance des prêtres, les menaces des royalistes. Sympathiques aux gens du peuple, ils imposaient aux bourgeois et défiaient insolemment les émigrés, les gardes du corps et les beaux cavaliers des compagnies rouges. Des duels s’ensuivaient où le plus souvent la chance servait bien leur colère et leurs rancunes. Dans la plupart des villes de province, ils se trouvaient en assez grand nombre pour former un petit centre d’opposition ardente. À Paris, ils étaient une multitude. Certains soirs, ils venaient chanter sous les fenêtres des Tuileries des refrains insultans.

Même avec le faible budget affecté à la guerre, on aurait pu ou maintenir l’armée sur un pied plus élevé, ce qui aurait permis d’employer un plus grand nombre d’officiers, ou donner la solde entière à tous les officiers sans emploi. Mais il eût fallu pour cela que Louis XVIII renonçât au rétablissement de la maison militaire. Cette troupe dorée comprenait six compagnies de gardes du corps à 505 hommes, cadres compris ; la compagnie des Cent-Suisses, de 134 hommes ; la compagnie des gardes de la Porte, de 232 hommes ; les quatre compagnies rouges, chacune de 456 hommes : chevau-légers, mousquetaires noirs, mousquetaires gris, gendarmes ; la compagnie de grenadiers à cheval, de 200 hommes, enfin deux compagnies de gardes du corps de Monsieur, à 235 hommes. C’était une petite armée de 6,000 officiers, car tous les non gradés, sauf dans les Cent-Suisses et les grenadiers à cheval[1], avaient rang de sous-lieutenans[2]. Plus des trois quarts de ces soldats-officiers portaient la particule. Un nombre d’entre eux sortaient des gardes d’honneur, des gardes nationales, de la cavalerie ; la très grande majorité se composait d’anciens gardes du corps de Louis XVI, de soldats de l’armée de Condé, d’officiers vendéens et chouans, d’émigrés ayant servi à l’étranger, enfin de jeunes gens de quinze ans, comme Alfred de Vigny[3]. La maison militaire figurait au budget pour 20,390,000 francs.

  1. Les cent-suisses, qui avaient un recrutement spécial, et les grenadiers i cheval pris dans les corps de cavalerie parmi les sous-officiers et brigadiers ayant cinq ans de service, avaient rang de sous-officiers.
  2. De ces 6,000 hommes 2,000 étaient surnuméraires, avec grade de sous-lieutenant, mais sans solde. La solde, il est vrai, qui variait selon les compagnies entre 600 et 720 francs par an, n’était pas la grosse dépense de la maison du roi. C’étaient les chevaux, l’équipement et les brillans uniformes.
  3. Livrets matricules de la maison militaire du roi. (Archives de la guerre.) Il y avait des compagnies plus ou moins aristocratiques. Ainsi dans la 3e compagnie (Gramont) des gardes du corps du roi, dans la compagnie des gardes de la Porte, dans les compagnies de Monsieur, les trois quarts des gardes étaient nobles. Dans les quatre compagnies rouges, tous étaient nobles, à quelques exceptions près. Dans les autres compagnies, la moitié seulement des gardes avait la particule.