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REVUE LITTÉRAIRE

LES AMIES DE BERNARDIN DE SAINT PIERRE

I. Bernardin de Saint-Pierre, par M. de Lescure. Paris, 1891 ; Lecène et Oudin. — II. Bernardin de Saint-Pierre, par M. Arvède Barine. Paris, 1891 ; Hachette. — III. Étude sur la vie et les œuvres de Bernardin de Saint-Pierre, par M. Fernand Maury. Paris, 1892 ; Hachette.

Pour tout le monde, non-seulement en France, mais dans toute l’Europe qui lit, et jusque par-delà les mers, Bernardin de Saint-Pierre est l’auteur de Paul et Virginie, ce chef-d’œuvre qui semble grandir à mesure que Jocelyn et qu’Atala décroissent et pâlissent. Pour quelques artistes, pour quelques curieux, pour les historiens de la littérature, il est, avec Rousseau, — plus que Rousseau peut-être, parce qu’il l’est plus exclusivement, avec moins de tendance oratoire, — l’inventeur de cette prose, non pas précisément descriptive, mais pittoresque et colorée, dont les dessous, pour ainsi dire, sont établis avec autant de soin, préparés par autant de croquis, de notes, ou d’études, que ceux d’un paysage, et retouchés avec autant d’amour. Il est aussi l’un de ces poètes qui, dans les dernières années du XVIIIe siècle, ont achevé d’émanciper le sentiment, son expression littéraire et sa fonction sociale, des contraintes un peu sévères que la raison lui avait imposées jusqu’alors, et même, à cet égard, si l’on voulait le définir d’un mot, on le nommerait assez bien celui de nos grands écrivains qui n’a écrit le premier qu’avec le sentiment. Le dialecticien qu’il y avait encore dans Rousseau, — le raisonneur et le logicien, — s’évanouissent avec