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rendre compte de ce qu’une élection présidentielle coûte à tous, de même qu’il sait ce qu’elle lui coûte en tant qu’adhérent de l’un des deux grands partis en présence.

Il a procédé à cette enquête, et les résultats qu’elle lui a donnés le font réfléchir. La presse les a centralisés, compulsés, minutieusement révisés. Elle a fait comparaître à sa barre les financiers les plus compétens, les banquiers les mieux renseignés, les marchands de blé de Chicago et les manufacturiers de Pittsburg, les rois de l’or et de l’argent, du fer, du sucre, du pétrole, des chemins de fer et des bateaux à vapeur, les millionnaires et les milliardaires, Andrew Carnegie et Crocke, Huntington et Armour, Sloane et Standford, Spreckels et Fair et aussi les rois de Wall-Street : Gould et Dillon, Sage, William et Sturges.

Il y a quatre années de cela. C’était au lendemain de la grande bataille électorale qui ramenait Harrison et le parti républicain au pouvoir avec une majorité de 65 votes électoraux et de 20 États contre 18, mais avec une minorité de 97,883 suffrages. La lutte avait été chaude, le résultat longtemps incertain. Pendant six mois, la vie commerciale avait été comme paralysée, les transactions ajournées, et l’on se demandait s’il ne serait pas d’une sage politique d’épargner au pays des secousses aussi rapprochées, d’étendre le terme des pouvoirs présidentiels, d’en fixer la durée à six ou sept années au lieu de quatre et de déclarer le président sortant non rééligible.

On supputait que ce n’était pas trop de six mois au président élu pour réorganiser l’administration dissoute, que les six derniers mois de son exercice étaient absorbés par les préoccupations d’une réélection possible, que les trois années restantes ne suffisaient pas à l’étude des questions économiques, en dehors de l’expédition des affaires courantes. On rappelait qu’il n’avait pas fallu moins de trois ans à Cleveland pour arrêter les grandes lignes de son programme financier et, qu’au moment même où il se préparait à soumettre au congrès, et, par lui, à la nation, les conclusions auxquelles l’avait amené un examen attentif des problèmes les plus graves et les plus compliqués, les chefs du parti démocratique l’avertissaient que le temps lui faisait défaut pour donner à l’opinion publique les explications nécessaires, pour calmer les appréhensions ignorantes des uns, pour réfuter les sophismes volontaires des autres. Il importait, toute affaire cessante, de s’occuper de la campagne électorale et de solliciter un nouveau mandat qui, seul, le mettrait à même d’obtenir du congrès un examen approfondi de la situation anormale créée au trésor par d’énormes excédens de recettes, ainsi que des remèdes qu’il proposait d’y apporter.

Ces calculs étaient justes, ces faits étaient exacts, et l’on