soutenu par l’opinion des coteries littéraires, ouvrit sa voile au vent nouveau qui soufflait. Il prit pour devise le mot de Molière : « Les anciens sont les anciens, et nous sommes les gens de maintenant. » Et, dans ses Parallèles, il s’efforça de montrer : — que le temps était venu d’élargir, ou de changer peut-être le système entier de l’éducation littéraire ; — qu’après tout, le meilleur moyen, le plus sûr, de rivaliser avec les anciens, de les égaler ou de les surpasser, était de nous inspirer de nos mœurs, de nos usages, de nos croyances, comme ils avaient eux-mêmes fait des leurs ; — et qu’au lieu de vivre dans l’éternelle contemplation des modèles antiques, il convenait de les « perfectionner » en les faisant profiter de tout ce que la science, la connaissance de l’homme, et les moyens de l’art avaient réalisé depuis eux d’acquisitions ou de progrès durables. « Comme les anciens, disait-il, connaissaient en gros aussi bien que nous les sept planètes et les étoiles les plus remarquables, mais non pas les satellites des planètes, et un grand nombre de petits astres que nous avons découverts, de même ils connaissaient en gros, aussi bien que nous, les passions de l’âme, mais non pas une infinité de petites affections et de petites circonstances qui les accompagnent, et qui en sont comme les satellites… » C’est, on le voit, l’idée même du progrès, et déjà le soupçon de cette loi de Complexité croissante qui fait aujourd’hui l’un des élémens essentiels de sa définition.
On s’est étonné là-dessus que Perrault, moins échauffé que Saint-Sorlin, — et trop raisonnable ou trop cartésien, pour mieux dire, en fait de religion, — n’ait pas assez mis en lumière la part du christianisme dans ce progrès de la morale ou de la psychologie. Il l’a bien signalée. Mais on voudrait qu’il y eût appuyé davantage, et qu’il eût plus éloquemment célébré la « beauté » du christianisme, sa richesse poétique, la fécondité de son inspiration. N’est-ce pas peut-être qu’étant homme de sens, quoique volontiers paradoxal, et ne manquant pas de pénétration, s’il manquait de justesse d’esprit, il se sera douté de l’espèce de contradiction, ou de sacrilège même, qu’implique en poésie l’emploi du « merveilleux chrétien ? » S’il ne faut pas avoir précisément cessé de croire pour user du Dieu des chrétiens aussi librement que de ceux de la fable, Perrault aura compris, comme Boileau, qu’au moins faut-il avoir perdu le sens de la sévérité du dogme. On peut s’inspirer des mystères de la foi pour en chanter la profondeur ou l’obscurité dans une ode ; on ne peut pas en faire des « machines poétiques ; » et quiconque se le permettra sera toujours suspect d’avoir une religion plus sentimentale que solide. Mais ce que Perrault a mieux compris encore, et ce qui l’a empêché de suivre plus loin Desmarets, c’est que le christianisme, dans son essence,