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de l’Amérique du Sud, qui avaient fait preuve d’un sincère désir d’arriver à une solution, introduisirent le système décimal dans leurs monnaies et adoptèrent notre pièce de 5 francs et ses divisions. La question fut reprise, en 1869, dans une nouvelle conférence, mais sans plus de succès. Une grande enquête, organisée, en 1870, à la demande de la France, ne conduisit pas davantage à la solution désirée ; mais elle constata qu’il n’existait plus qu’une seule divergence qui portait encore sur la monnaie-type à adopter. Les événemens de 1870 mirent fin à ces études en commun, qui avaient conservé un caractère trop exclusivement académique, et auxquelles avaient manqué surtout l’appui et la publicité de la presse. Le gouvernement français s’est désintéressé dès lors de discussions qui avaient, à ses yeux, le tort de ramener l’attention sur une œuvre considérable et utile du gouvernement précédent ; l’Allemagne prit à tâche de rendre impossible l’extension de l’Union latine et se préoccupa de préparer une union germanique, dans laquelle elle ne désespère même pas de faire entrer l’Italie lorsque cette puissance sera sortie de ses embarras financiers.

C’est de ce côté que vinrent, en effet, les premiers coups portés à l’Union latine : nous voulons parler de l’adoption de l’étalon d’or et de la démonétisation de l’argent par l’Allemagne. Ces mesures causèrent une grande surprise en Europe parce qu’elles étaient tout à fait imprévues : elles furent considérées presque comme un coup de tête de M. de Bismarck, ou comme une brusque détermination inspirée par le désir de nuire aux deux principaux voisins de la Prusse, la France et la Russie. Ces jugemens ne sont pas fondés ; les mesures de M. de Bismarck n’avaient point le caractère d’une improvisation. Aussitôt après la guerre de 1866, le gouvernement prussien s’était préoccupé de l’anarchie monétaire qui régnait en Allemagne ; et il avait vu dans une réforme un premier moyen de s’assimiler les populations nouvellement soumises à son joug. Il était du nombre des États dont les délégués avaient préconisé l’adoption de l’étalon d’or, et ne faisait donc que conformer sa conduite aux opinions professées par ses délégués ; seulement, plus attentif aux faits et plus prévoyant que les gouvernemens occidentaux, il tint compte, avec sa décision habituelle, de deux circonstances qui lui commandaient une prompte action. La première était le paiement de la rançon française qui mettait à sa disposition des quantités considérables d’or et lui donnait la facilité de multiplier rapidement les monnaies d’or. La seconde circonstance, encore inaperçue de la masse du public, était l’abondance des arrivages d’argent qui faisait présager une prompte et importante