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acide nitrique. Il ne s’en tient pas là : en s’unissant à certains élémens également apportés par les eaux, il forme des nitrates, dont l’heureuse action sur la végétation est depuis longtemps connue. C’est ainsi que ce même azote, caractéristique de l’impureté de l’eau d’égout, donne aussi la mesure de son pouvoir fertilisant. — Détruits avec le milieu fermentescible qui leur était si favorable, les microbes anaérobies ont disparu. Il ne reste en définitive que des matières minérales inoffensives pour l’homme, mais éminemment propres à la nutrition des plantes.

Nous ne sommes pas encore à cette période probable de l’histoire, où les peuples par application du struggle for life se disputeront, les armes à la main, les nitrates et les phosphates indispensables à la culture. Mais les gisemens de ces utiles minéraux vont s’épuisant, et dans un avenir qui n’est peut-être pas lointain, s’ils n’ont pas disparu, ils seront devenus rares[1]. Déjà la provision de guano accumulée séculairement sur quelques roches de l’Océan est presque entièrement consommée. Il semble donc raisonnable de ne pas négliger plus longtemps la ressource que nous offrent les déchets de la vie, entraînés dans les égouts, et de rendre à la terre, sous forme d’engrais, ce que nous en avons reçu sous forme d’alimens.

Comme on le sait, c’est, principalement par la teneur en azote que s’apprécie la valeur fertilisante d’un engrais, sa richesse, suivant une expression fort juste. Cette richesse varie notablement. Elle dépend, en effet, de celle des alimens consommés par le bétail, l’azote ne faisant guère que traverser l’appareil digestif. Le fumier de la célèbre ferme anglaise de Rothamstead en renferme 6 kil. 38 par mètre cube : celui de nos exploitations rurales de l’Est n’en contient guère que la moitié. Les savans, que l’intérêt du sujet fait passer par-dessus certaines répugnances, ont établi que le Paris d’aujourd’hui, avec ses 2 millions et demi d’habitans, devait, en tenant compte de tout, bêtes et gens, restituer chaque jour 40,000 kilogrammes d’azote. Il s’en perd et beaucoup. On n’en trouve pas plus de 14,000 kilogrammes dans les eaux des égouts actuels. C’est un peu plus de 34 grammes par mètre cube. Cette proportion serait probablement doublée si, sans augmenter le volume d’eau disponible, on réalisait le tout à l’égout. Cent mètres cubes de l’eau d’égout d’aujourd’hui ont donc sensiblement la même valeur fertilisante qu’un mètre cube de fumier des campagnes lorraines. On y retrouve d’ailleurs également, et dans une proportion analogue, l’acide phosphorique et la potasse. L’eau d’égout est un engrais

  1. Voir, dans la Revue du 15 août, les Phosphates dans l’agriculture, p. 926, par M. A. Muntz.