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lequel les expérimentateurs arrosent méthodiquement, à l’aide de l’éprouvette graduée, quelques grains de sable, et les vastes surfaces sur lesquelles il faut répandre à grands flots des centaines de millions de litres.

C’est en 1868 que l’épuration des eaux d’égout débute modestement à Clichy, sous la direction de M. Mille et de Durand-Claye. Une locomobile de 4 chevaux envoyait chaque jour sur un champ d’un hectare et demi 500 mètres cubes d’eau puisés dans la bouche même du grand collecteur. Les résultats furent satisfaisans. Les cultures maraîchères donnèrent des produits abondans, et dont la qualité fut appréciée lorsqu’ils affrontèrent le jugement des halles. On s’enhardit ; l’expérience, transportée de l’autre côté de la Seine, sur 6 hectares de la plaine de Gennevilliers, commença à attirer l’attention publique, et, ce qui valait mieux au point de vue des résultats, quelques cultivateurs. En 1876, l’arrosage s’étendait sur 150 hectares, avidement recherchés par une clientèle croissante de maraîchers, de jardiniers et de nourrisseurs. Les légumes poussaient abondans et continuaient à être bien accueillis sur les marchés. On récoltait 80,000 kilos de betteraves fourragères à l’hectare. Les prairies donnaient cinq coupes. Le pays s’enrichissait : on se disputait le liquide fécondant. L’eau d’égout


…….. se partage en fertiles rigoles ;
Ses noirâtres filets sont autant de Pactoles.


D’ailleurs nulle odeur incommode ou nuisible. Cependant toute nouveauté fait inévitablement tort à quelques intérêts. Le préjugé, en outre, s’en mêlant, une opposition assez bruyante s’éleva contre l’irrigation et trouva un appui auprès des autorités locales. Le maire de Gennevilliers prétendit s’opposer à la construction, alors en train, d’une nouvelle conduite. Même, un jour, ne fit-il pas emprisonner les agens des ponts et chaussées !

Des enquêtes multipliées eurent lieu qui tournèrent à la gloire de l’irrigation. La fièvre paludéenne qu’on l’accusait de propager n’existait pas. Le relèvement de la nappe des eaux souterraines n’était pas de son fait. Il était attribuable, en partie, au barrage de Bezons, qui a haussé de 2 mètres le niveau du fleuve. Ce relèvement d’ailleurs n’atteint pas le plan des drains par lesquels s’écoule l’eau épurée. Ce breuvage, que les ingénieurs de la ville aiment à faire déguster aux nombreux visiteurs, est d’une pureté absolue. M. Pasteur en a témoigné, et le scrupuleux microscope du directeur de Montsouris n’y a découvert qu’une douzaine de microbes de l’espèce la plus anodine. La valeur des terres avait