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silvermen, qui obtiennent, sinon pour leur argent, au moins pour les billets d’État qui le représenteront, ce monnayage illimité qu’ils avaient vainement poursuivi ; et la loi leur assure dans le trésor public un acquéreur qui doit leur prendre 1,680,000 kilogr. d’argent par an. Il est à craindre, entre autres inconvéniens, que ces billets d’État, suivant les variations du change, ne puissent être employés à soutirer l’or des banques ou des caisses fédérales, en vue de l’exportation, et n’entament cette réserve d’orque tous les secrétaires du trésor se sont évertués à créer et à défendre. La situation commerciale des États-Unis n’est demeurée intacte jusqu’ici que par une sorte d’équilibre instable qui menace d’être rompu. Voici les aveux que faisait M. Windom, à cet égard, lors de la présentation de sa loi : « Depuis la loi de 1873, nous n’avons, en réalité, qu’un étalon monétaire, le dollar d’or du poids de 25,8 grains, lequel constitue l’unité monétaire des États-Unis. Nos billets à cours légal sont garantis par 100 millions de dollars d’or déposés dans les réserves du trésor. La circulation de nos banques a pour garantie les fonds des États-Unis, dont les intérêts sont payables en or. Nos certificats de dépôts d’or sont remboursables en monnaies d’or. Conséquemment, on peut dire que nos dollars d’argent et les récépissés garantis au moyen de ces dollars sont une exception dans notre circulation. Nous n’avons, en réalité, que l’étalon d’or : le métal dont on s’est servi pour fabriquer les dollars d’argent ayant été acheté à sa valeur marchande exprimée en or. Ces dollars ont cours légal et les récépissés sont acceptés en paiement des droits de douane et des autres taxes ; mais s’ils ont cours au même titre que l’or, c’est que l’on a confiance dans les engagemens et dans le pouvoir de payer du gouvernement. Tant que leur nombre sera maintenu dans des limites raisonnables, ils rempliront, dans ce pays du moins, le même rôle monétaire que l’or. » Cette mesure, que le secrétaire du trésor juge indispensable, ne sera-t-elle pas dépassée si aux 1,200 millions de récépissés d’argent déjà en circulation, on ajoute mensuellement des billets émis en représentation des 4,500,000 onces d’argent que le trésor doit acquérir ? Et la multiplication indéfinie de ces récépissés qui peuvent remplir toutes les fonctions de la monnaie métallique ne conduira-t-elle pas insensiblement les États-Unis, de l’étalon d’or, bien compromis, quoi qu’en dise M. Windom, au régime de l’étalon d’argent ? Voilà pourquoi la chambre de commerce de New-York a protesté dans les termes les plus énergiques contre le vote, puis contre le maintien de la loi Windom et contre tout monnayage de l’argent.