Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provisoire par le premier vice-président Villegas, lequel convoquerait le congrès pour procéder à une élection régulière. À ces conditions, Crespo garantissait à Palacio la vie sauve.

Une heure plus tard, cet ultimatum était connu de toute la ville ; le conseil se réunissait, sommait Palacio de se démettre et appelait Villegas à prendre temporairement le pouvoir. Toute résistance était impossible. Palacio cédait et acceptait l’offre que lui faisait Monagas, impatient de hâter son départ, d’une escorte armée pour le protéger jusqu’à la Guayra, où le navire de guerre El Libertador devait le recevoir et le transporter à Fort-de-France. Le 18 juin, il s’embarquait et, le 16 juillet, le transatlantique français, le Labrador, le débarquait à Bordeaux.

Dans une entrevue qu’il eut à Santander avec l’un des rédacteurs du New-York Herald, moniteur attitré des présidons déchus des républiques hispano-américaines, qui reçut et publia la dernière lettre qu’écrivit Balmaceda avant de mourir, et aussi les confidences d’Andueza Palacio, l’ex-président du Venezuela se défendit avec énergie des accusations portées contre lui : « Je n’ai, dit-il, jamais aspiré à la dictature ni prétendu garder le pouvoir un jour de plus que ne l’exigeait le bien de l’État. Je m’éloigne parce que l’on m’affirme que mon absence est nécessaire pour rétablir la paix et arrêter l’effusion du sang. La question pendante n’est pas une question de personnes, mais de principes, de politique intérieure, et de réformes constitutionnelles. Je défie qui que ce soit de produire une preuve de mon désir de rester président. Le pays est avec moi ; je n’ai contre moi qu’une faible majorité dans le congrès. J’ai voulu l’élection du président par le suffrage direct et non par une commission du congrès ; j’ai échoué par 43 voix contre 40. J’ai eu contre moi tous ceux qui, ayant chance d’être élus par l’intrigue, n’en avaient pas de l’être par le vote populaire. J’avais pour moi les conseils municipaux et sept États sur neuf. Si l’on m’eût laissé faire, j’eusse convoqué le conseil fédéral et signifié, par écrit, que je n’étais pas candidat à la présidence. Le temps m’a manqué, et mes conseillers m’ont trahi. Sarria, mon ministre de la guerre, Monagas, le chef de mes troupes, tous deux députés, étaient dévorés du désir d’être présidens. Ce sont eux qui m’ont persuadé de partir. Sous les couverts d’une amitié feinte, ils m’ont représenté que le peuple se méprenait sur mes intentions,.qu’il me tenait pour le fauteur de la guerre civile et qu’il ne me restait plus qu’à convoquer le congrès. C’eût été agir contre mes convictions, démentir mes actes antérieurs. Je m’y refusai ; je remis ma démission à Villegas et je partis. »

À une allusion faite au bruit qui courait, qu’entré pauvre à la