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les changemens proposés. Avec une majorité qui a témoigné d’une telle horreur pour les traités de commerce, c’était le rejet assuré de l’ensemble des propositions gouvernementales. La procédure adoptée permet de discuter isolément chacune des modifications.

En fait, la convention proprement dite est devenue l’accessoire. L’article 1er porte que les objets d’origine et de manufacture suisse, importés directement du territoire suisse, seront admis en France aux droits fixés par le tarif minimum. Voilà qui est bien, il faut seulement comprendre qu’il ne s’agit pas là du tarif minimum existant, mais de celui qui aura subi, si le parlement consent à les consacrer, les atténuations que le gouvernement propose. La commission des douanes a voté sans peine et presque sans débat l’arrangement commercial, mais c’est un vote sans valeur, puisqu’il est certain que la Suisse ne donnera pas sa ratification si le tarif minimum actuel est maintenu. C’est donc bien ici le point capital de la question.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi portant modification de quelques droits du tarif minimum, les ministres se donnent beaucoup de peine pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’un remaniement sérieux du tarif, d’une refonte atteignant les assises de l’édifice élevé par le parlement. Les modifications proposées ne portent que sur 55 articles du tableau des droits d’importation, soit un peu moins de 7 pour 100 du nombre total de 796 dont il se compose. Encore ne comportent-elles presque toutes que des rectifications de détail. Le gouvernement se défend avec énergie d’avoir affaibli, par les concessions qu’il propose, la protection que le parlement a voulu assurer à la production nationale.

Soit ; mais la commission des douanes ne voit pas les choses du même regard que le gouvernement, et les modifications proposées lui paraissent au contraire grosses de conséquences. La réduction de 50 pour 100, par exemple, des droits inscrits au tarif sur le bétail vivant est dénoncée comme un déni de justice, comme une violation des engagemens pris vis-à-vis de l’agriculture française. La commission objecte de plus que la diminution des taxes, concédée à la Suisse, profitera également à toutes les nations qui possèdent la clause de la nation la plus favorisée : Suède et Norvège, Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Angleterre, Pays-Bas, Russie, etc. Il y a un fond de vérité dans ces plaintes, et c’est justement par quoi le consommateur nous paraît fort intéressé au vote du projet de modification du tarif ; il y peut gagner tout au moins une légère réduction du prix des animaux d’élevage et de boucherie.

Il y a en outre la question de principe, si la protection peut être considérée comme un principe. Ce que propose le gouvernement