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diagnostic est exact. Il s’agit de M. G.., jeune homme qui, après un séjour de quelques mois dans les pays chauds, a un état fébrile vague, sans localisation précise, une fatigue permanente et un affaiblissement général des forces[1]. Remarquons seulement que, même en écartant l’hypothèse d’une illusion, plusieurs interprétations des faits restent possibles.

Nous arrivons enfin à une série de faits singuliers qui ne relèvent plus de l’expérimentation, comme les précédens, mais simplement de l’observation. Je veux parler de ce que l’on a appelé les hallucinations télépathiques. Ce sont des hallucinations qui ont ceci de particulier qu’elles sont véridiques, en rapport avec un fait réel, par exemple, comme dans les cas que j’ai déjà signalés, avec la mort d’un parent ou d’un ami.

Des recherches récentes tendraient à faire croire que ces hallucinations véridiques ne sont pas très rares. On en a réuni plus de huit cents cas qui sont d’ailleurs de valeur inégale. Dans quelques-uns, la sincérité des narrateurs n’est peut-être pas incontestable, dans d’autres on peut soupçonner une illusion, dans quelques autres enfin la coïncidence de l’événement réel et de l’hallucination n’est pas très frappante.

C’est de l’illusion qu’il faut surtout se méfier. Il est difficile de se figurer à que ! point l’imagination se mêle à la mémoire et combien nos souvenirs s’altèrent, et l’on a de la peine à croire à toutes les déformations que peut subir un récit fait par une personne à une autre et transmis par celle-ci à une troisième. La valeur du témoignage humain est bien faible. On peut s’apercevoir de ses nombreuses inexactitudes à propos des petits faits de la vie de tous les jours que personne n’a aucune raison d’altérer. Quand il s’agit d’un fait un peu extraordinaire, on peut espérer que l’esprit, à cause même de l’impression qu’il en a reçue, l’aura plus fidèlement conservé ; malheureusement, il est vrai aussi que, si ce n’est pas la négligence, c’est l’imagination qui sera peut-être plus tentée de le dénaturer.

Un lieutenant de l’armée française avait écrit à M. Dariex, directeur des Annales des sciences psychiques, qu’il tenait d’un de ses amis le récit d’un fait intéressant arrivé à une troisième personne, à un capitaine. « Quand il était enfant, il voyait souvent passer un moine, sorte de fantôme vaguement lumineux, tenant les mains croisées sur sa poitrine, traversant le jardin et disparaissant dans

  1. Ch. Richet, Relation de diverses expériences sur la transmission mentale, la lucidité et autres phénomènes non explicables par les données actuelles de la science, p. 123.