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demander une autre interprétation. Il semble que non-seulement la pensée d’un être humain, mais la matière même, puisse faire naître au loin, dans un esprit, des sensations et des perceptions que les moyens ordinaires ne pourraient nullement provoquer. Non-seulement l’esprit, dans certaines conditions, bien obscures encore, pourrait être impressionné par l’état d’un esprit semblable à lui, mais encore il lui serait possible de connaître certains faits qu’aucun autre esprit ne refléterait. Il est possible même que des faits qu’on explique par la télépathie soient en réalité des cas de clairvoyance et de lucidité. La réciproque peut aussi se produire, et j’estime que les différens observateurs n’ont pas toujours mis une rigueur suffisante dans la préparation ou dans l’interprétation des expériences qu’ils ont faites ou des faits qu’ils ont observés.

Comme il y a des degrés dans la vraisemblance, nous disons que, jusqu’à présent, la télépathie a été rendue plus vraisemblable que la lucidité. Cependant la lucidité commence à s’imposer, sinon comme objet de croyance, au moins comme sujet de curiosité. M. Richet a fait de fort intéressantes expériences avec des dessins enfermés dans des enveloppes opaques, et qu’il fait décrire ou reproduire par une somnambule. Dans la seconde série de ces expériences, le dessin était inconnu des personnes présentes. Cette série comprend 180 expériences, sur lesquelles 30 ont plus ou moins réussi. « Cela indique à peu près, dit M. Richet, la moyenne des jours de lucidité soit pour Alice, soit pour Eugénie. Ce n’est qu’un jour sur six qu’elles ont des éclairs de lucidité, et encore ce jour-là même cette lucidité est des plus variables et des plus incertaines[1]. » Avec des cartes, M. Richet n’obtint rien de positif. Mme Sidgwick, au contraire, a cité de nombreuses expériences, faites par une de ses amies, qui semblent très favorables à l’hypothèse de la clairvoyance. « Mon amie, dit-elle, a fait environ 2,585 expériences de ce genre, et dans 187 cas elle a deviné les cartes exactement, à la fois selon leur nom et leur nombre de points. Pourtant, dans 75 de ces cas, il a fallu faire deux essais (comme, par exemple, pour savoir si c’était le trois de cœur ou le trois de pique). En comptant ces cas comme demi-succès, nous arrivons à un total de 149,5 succès, trois fois plus grand que le nombre, que le calcul des probabilités attribue au hasard. Les résultats varient beaucoup, on le voit, avec le sujet, et pour un même sujet, d’un jour à l’autre. La transmission mentale et la lucidité, en les supposant réelles, dépendent de conditions si délicates et si

  1. Relation de diverses expériences, etc.