D’autre part, vouloir toujours expliquer les faits nouveaux par des illusions ou des tromperies n’est pas sans danger. Pour ne pas être trop crédule, n’imitons pas le savant distingué qui se refusa toujours à croire à la réalité du phonographe. La fraude voulue et consciente me paraît relativement rare, comme la juge M. Richet. C’est une explication que l’on peut abandonner quand il s’agit des expériences de savans connus ou des observations dont les auteurs présentent de bonnes garanties. La condition, les antécédens, le caractère des observateurs, le peu de raisons qu’ils auraient pour mentir, la concordance des témoignages, empêchent tout soupçon légitime de fraude pour la plupart des hallucinations télépathiques recueillies dans le volume de MM. Myers, Gurney et Podmore, comme dans les Annales des sciences psychiques. Si, malgré les précautions, un cas douteux se glisse ça et là parmi les autres, il reste sûrement exceptionnel.
L’illusion est plus à craindre, et j’ai cru devoir citer des faits qui en montrent la facilité. Je serai toujours porté à avoir quelque doute au sujet d’un événement déjà lointain, si les divers témoignages qui l’attestent émanent d’un même milieu, d’un même groupe et si l’on peut soupçonner la formation d’une petite légende que chacun s’en va répétant. Je sais bien que bon nombre de faits, prétendus historiques, sont moins solidement établis que bien des hallucinations télépathiques, mais aussi j’ai toujours craint que l’histoire ne fût pas assez difficile en fait de preuves et qu’on se fiât trop au témoignage humain. Cependant il ne faut pas abuser même de la méfiance. Lorsqu’un fait de télépathie est récent, qu’il est établi par des témoignages divers et, autant que possible, indépendans, lorsque la personne qui l’a observé écarte suffisamment, par les qualités de son caractère et de son esprit, l’hypothèse du mensonge et celle de l’illusion, lorsqu’il reste de l’événement des traces matérielles qui fixent une date, par exemple des documens officiels qui permettent de vérifier l’exactitude de certains détails, ou dans le cas d’une hallucination télépathique, une note prise après l’hallucination et avant la connaissance du fait qui l’a produite, il devient bien difficile de croire à une illusion qui serait beaucoup plus surprenante que le fait contre lequel on voudrait l’invoquer. Ce serait plus difficile encore, si, comme cela est en réalité, le nombre des cas suffisamment établis se multipliait.
Il faut dire aussi que même les cas douteux se fortifient l’un l’autre si les raisons de doutes ne sont pas les mêmes pour chacun et si ces cas sont indépendans, si on ne peut les soupçonner de provenir d’une cause unique. À plus forte raison reçoivent-ils une nouvelle valeur des faits dont la réalité est bien établie.