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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/905

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fond, le pape avait peur de ce grand justicier, qui, à diverses reprises, s’était exprimé si durement sur le compte de ses bienfaiteurs les Médicis : « Michel-Ange, — Léon X le déclara en propres termes à Sebastiano del Piombo, en 1520, — est un homme terrible, on ne saurait s’entendre avec lui. »

La continuation du tombeau de Jules II, les travaux de la façade de l’église Saint-Laurent, à Florence, le commencement des tombeaux des Médicis, l’exécution de la statue, — assez malencontreuse, — du Christ destinée à l’église de la Minerve, telles furent les tâches diverses auxquelles Michel-Ange se consacra pendant cette période. Le sculpteur, comme on voit, éclipse complètement le peintre, et l’architecte commence à poindre. Notons que c’est par l’architecture que Michel-Ange finit, tout comme Raphaël : c’est qu’exigeant plus de réflexion et plus de science, cet art convenait mieux à des maîtres parvenus à leur maturité. Il est cruel de penser que Michel-Ange, qui venait de terminer les prodigieuses fresques de la chapelle Sixtine, dut attendre jusqu’à la fin du pontificat de Clément VII, c’est-à-dire jusqu’en 1534, pour se voir confier de nouveau des peintures !


VIII.

Clément VII, si faible comme souverain, et d’un goût si indécis en tant qu’amateur, semble n’avoir fait preuve de clairvoyance que vis à-vis de Michel-Ange ; après lui avoir commandé les tombeaux des Médicis et la bibliothèque Laurentienne, il le chargea de peindre dans la chapelle Sixtine le Jugement dernier permettant ainsi à ce noble génie de se déployer sous ses trois faces, comme sculpteur, comme architecte et comme peintre.

L’achèvement des peintures de la chapelle Sixtine, c’est-à-dire la décoration des parois situées aux deux extrémités, tel fut le rôle assigné à Michel-Ange. Ces parois, toutefois, n’étaient pas nues : sur l’une le Pérugin avait peint l’Assomption de la Vierge, la Nativité et Moïse trouvé sur les eaux ; il fallait en outre sacrifier deux des lunettes peintes par Michel-Ange. La Chute des Anges rebelles, d’un côté, et de l’autre le Jugement dernier, tels furent les sujets choisis par le maître. Constatons la persistance avec laquelle Michel-Ange revient sur ce thème, les anges rebelles, en d’autres termes, la révolte des géans contre les dieux de l’Olympe. La Chute des Anges rebelles ne fut d’ailleurs pas terminée. Une mauvaise peinture de la Trinité des Monts, à Rome, en conserva quelque temps les lignes générales ; puis cette peinture disparut à son tour sans laisser de traces.

Dans l’intervalle compris entre la Pietà de Saint-Pierre et le