main-morte ni privilégiée, mais pourra les aliéner à tous autres, à la charge par les acquéreurs d’en payer la rente et les lods et ventes au seigneur, à raison du denier six… » Ces « lods et ventes » ne sont autre chose que les droits de mutation que perçoit aujourd’hui, pour le compte de l’État, l’administration de l’enregistrement et que percevaient, avant 1789, les héritiers des possesseurs primitifs, sur le territoire où ils avaient conservé la directe. La directe ou censive, et quelques droits féodaux, profitables ou honorifiques, étaient en effet le seul revenu que les bailleurs à cens se réservaient au moyen âge, en perdant le domaine utile, c’est-à-dire la propriété réelle et effective.
Et c’est parce qu’ils craignaient de voir ces droits compromis, par le retour en mains seigneuriales de la terre qui en était la base, qu’ils interdisaient à ceux qui recevaient cette terre « de la céder, ou autrement aliéner, à église ni à personne ecclésiastique ou gens privilégiés. » Au contraire, ils sont maîtres de la transférer « à gens pur lais, suivant leur plénière volonté, à vie et à mort… » On ne peut voir un obstacle à cette libre disposition de la terre censuelle, dans le droit de prélation que l’on reconnaît au seigneur, « pour tel et semblable prix qu’un autre en voudrait donner, bien et loyaument sans fraude. »
Ce fut le retrait censuel, qui avait en vue le maintien des fiefs, comme le retrait lignager avait pour objet l’immobilité des biens dans les familles ; mais ni l’un ni l’autre ne devaient arrêter, ni même ralentir les mouvemens de la propriété transformée. Un statut de Roussillon (1210) défend l’aliénation des biens tenus en censive, sans le consentement du seigneur direct, ce qui prouve que, dès lors, on s’en passait. En Champagne, les censitaires paraissent, au début, n’avoir la faculté de vendre leurs biens qu’aux vassaux du même seigneur ; mais ces entraves tombèrent très vite, tandis que la défense de vendre les immeubles aux gens d’église ou aux nobles ne disparut qu’au XVIe siècle, quand, les droits féodaux s’étant partout relâchés et amincis, les privilégiés, en acquérant un domaine « ignoble, » s’avouèrent tenus, vis-à-vis du seigneur dont il relevait, aux mêmes obligations que les manans ou les bourgeois.
Jusqu’alors, pendant toute la seconde partie du moyen âge, les nobles n’avaient pu acquérir la terre roturière, tandis que les roturiers pouvaient acquérir la terre noble.
La vente censuelle, comme tous les contrats librement consentis, dut être une opération également avantageuse aux deux parties. Le censitaire et le seigneur y trouvèrent chacun leur compte : voyons donc les bénéfices que l’un et l’autre en retirèrent. Pour le censitaire ils sont évidens ; sans bourse délier il devient