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de Marat dans les Catilinas modernes, de Féru. Après le 9 thermidor, il passe au théâtre de la Montausier, aux théâtres de Feydeau, de Louvois, se réunit en 1799 aux survivans de la Comédie, paie de sa personne, redouble d’activité, toujours applaudi pour la chaleur de son jeu, sa sûreté de goût et d’expérience, jusqu’à ce qu’il tombe sur la broche, le 11 décembre 1802. En 1795, lorsqu’une loi réunit en corps les diverses académies et fonda l’Institut, on créa à l’Académie des beaux-arts une section dite de musique et de déclamation, dont il fut nommé membre avec Méhul, Grétry, Gossec, Préville et Monvel ; mais, en 1803, le premier consul révisa l’œuvre de Lakanal, Daunou, Carnot, trop libérale à son gré : l’Académie des beaux-arts ne dut comprendre désormais que des créateurs, et les comédiens lurent éliminés. Peut-être aussi Bonaparte se souvenait-il de certaine lettre où le citoyen Molé, membre de l’Institut, traitait de collègue le citoyen premier consul.

Autrefois, comme aujourd’hui, le foyer de la Comédie-Française était un des salons de Paris où l’on disait le plus de jolies choses : agréables de la cour, auteurs, artistes, comédiens et comédiennes y vivent à pot et à feu, se courtisent, font assaut d’esprit, d’épigrammes, de piquans commérages. Nouvelles littéraires et politiques, passions et passionnettes circulent avec rapidité sous ce nouvel arbre de Cracovie, où Beaumarchais, Saurin, Favart, Goldoni, Lauraguais, Barthe, cent autres apportent leur écot. Savez-vous le quatrain que vient de composer le vaniteux Lemière pour obtenir la reprise de sa Veuve du Malabar ? Mieux encore, sa conversation avec Molé avant la première représentation de cette pièce ? Voulant faire quelques corrections à son rôle, il lui demanda une plume. — Votre plume n’écrit point, observe-t-il. — Que ne prenez-vous celle de Racine ? — Elle ne m’irait point ; Racine est plus harmonieux que moi, j’en conviens, mais j’ai l’expression plus énergique et plus propre. — Voulez-vous une explication fantaisiste du traité d’alliance de la France avec les États-Unis ? Rochon de Chabannes va vous la donner. M. de Sartines, ministre de la marine, est l’homme le mieux coiffé du royaume, il a trois perruquiers à ses ordres et trente-six perruques : perruque pour le négligé, perruque pour le conseil, perruque à bonnes fortunes avec cinq petites boucles flottantes. On réussit à lui persuader que cette passion avait été moquée en pleine chambre des pairs : et lui de se venger en poussant à la conclusion du traité. — Dans un coin du foyer, Fanier et Contat rient de tout et de tous ; on parle d’une camarade accouchée de deux enfans à la fois : — Tant mieux, repart Contat, chaque père aura le sien. — Ce n’est pas comme cette bonne*** qui partage ses faveurs entre Dazincourt et son médecin, elle n’a qu’un