que l’on a longtemps attribuée à la Race, dans la détermination du caractère essentiel des littératures, ne se trouve-t-elle pas ramenée par les théories de M. Gumplowicz à une influence de Moment ; et serait-il difficile de montrer les conséquences qui en résultent ? Ou bien encore, si l’on admet avec lui, et, si je ne me trompe, avec plus d’un linguiste aussi, que la richesse des langues, en tant qu’elle consiste en celle de leur vocabulaire, se rencontre à leur origine, qui ne voit à quel point aussitôt l’idée que l’on se forme aujourd’hui, trop souvent encore, de la vraie richesse d’une langue doit être profondément modifiée ? Mais surtout, et dans la mesure où nous croyons pouvoir accepter ses théories, si nulle part une race ne retrouve d’image ou d’expression plus fidèle d’elle-même que dans sa littérature ; si c’est plus d’une fois autour de sa littérature qu’elle s’est groupée pour arriver à prendre en elle conscience de sa propre unité ; si cette littérature en demeure le lien ou le principe ; si c’est dans cette littérature enfin que les générations nouvelles puisent, avec le sentiment de la solidarité nationale celui de la perpétuité de la race, comment pourrait-on mieux établir, sur quel fondement plus solide, le rôle historique d’une grande littérature, sa fonction vraiment sociale, son titre de gloire et d’honneur ? Et puisque ce n’est pas sans doute la vérité qui se renouvelle, mais les moyens qu’on trouve de la démontrer, qu’y a-t-il de plus intéressant que de voir la sociologie la plus récente, pour ainsi parler, et la plus audacieuse, arriver aux mêmes conclusions que la critique la plus classique ? Si nous n’avons pas le temps d’y insister, et surtout d’en triompher, — parce qu’en fin d’article le triomphe en serait trop modeste, et nous le voudrions plus bruyant, — on concevra du moins que nous ne nous soyons pas refusé le plaisir de le constater.
FERDINAND BRUNETIERE.