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espèces de feuilles et de fleurs, mais encore des formes empruntées au monde de la vie animale. Orfèvres et céramistes se sont parfois essayés à reproduire la silhouette de l’homme et des animaux supérieurs, tels que le lion, le taureau et le cerf ; mais ce qui revient le plus fréquemment, c’est la figuration des animaux inférieurs, insectes et mollusques, tels que le papillon et la libellule, le poulpe, l’argonaute, le murex, l’huître, la moule et d’autres coquillages qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer. Les poissons non plus ne sont pas rares. Le décorateur mycénien paraît avoir pris un plaisir très marqué à la représentation de ces animaux marins. L’ornementation a ici un aspect très étrange, là où elle reste purement linéaire, par l’arrangement de ces courbes qu’elle replie sur elles-mêmes, qu’elle entrecroise en tous sens, qu’elle redouble à satiété, comme, là où elle a de plus hautes ambitions, par le choix des types qu’elle préfère, types dont plusieurs, les plus curieux, ne seront pas repris par l’art grec de l’âge classique. Enfin, si dans toute la collection ainsi formée du mobilier des tombes de l’Acropole, les métaux précieux et l’ivoire abondent, on n’y trouve pas le fer, le 1er- qui était déjà connu, quoique encore assez rare, du temps d’Homère.

Malgré les rires que provoquèrent certaines des dépêches, vraies réclames à l’américaine, que Schliemann fit insérer dans les journaux anglais et allemands pour y annoncer ses trouvailles, les archéologues, ceux mêmes qui étaient le moins bien disposés à son égard, ne pouvaient se refuser à admettre l’importance de la découverte et l’intérêt du problème qu’elle soulevait, surtout quand Schliemann fut venu en Europe montrer aux académies et autres sociétés savantes les plans et les coupes de ces tombes, les dessins et les photographies des objets qu’il en avait tirés, quand enfin il eut publié son livre, qui en donnait des reproductions assez fidèles. La question se posait de savoir à quelle époque appartenaient ces monumens, dont la singularité déconcertait tous les connaisseurs. Pour Schliemann lui-même il n’y avait pas de difficulté. De même qu’il avait cru retrouver à Troie le Trésor de Priam et les joyaux d’Andromaque, ces armes et ces bijoux que lui rendaient les sépultures mycéniennes, c’était l’ouvrage des artisans qu’employaient Atrée, Agamemnon et Égisthe, des fournisseurs ordinaires de Clytemnestre et d’Electre. La question n’était pas aussi simple pour ceux qui n’avaient pas, comme lui, une foi d’enfant en la réalité des faits racontés par l’épopée et qui, d’ailleurs, s’apercevaient, à bien des indices, que l’état de civilisation révélé par ces monumens était loin de correspondre en tout point à celui qui est décrit par l’épopée.