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eu de succès avec ses théories concordataires ; on a pu même distinguer que ses propositions et son langage ressemblaient à ce qu’on pourrait appeler une note fausse, une dissonance dans une discussion où s’est manifesté un évident esprit de modération.

C’est effectivement la nouveauté de ces derniers débats sur les affaires des cultes. On sent qu’il y a quelque chose de changé ; si ce n’est pas la paix complète, signée, il y a l’intention, le désir et on pourrait ajouter le besoin de la paix. Lorsqu’un des représentans les plus naturels de la cause religieuse, Mgr d’Hulst, est intervenu récemment au Palais-Bourbon, il s’est visiblement étudié à mesurer son langage ; il s’est exprimé en conciliateur bien plus qu’en combattant. Ce qu’il demande pour les catholiques se résume en un mot : « Un libéralisme bienveillant. » La politique religieuse qu’il conseille au gouvernement, c’est « de ne plus considérer l’Église ni comme un adversaire, ni comme une étrangère, ni comme une alliée suspecte, mais comme une alliée sincère, bienveillante… » — « À vous, messieurs, de commencer ! » a repris M. le ministre des cultes. — « Ils ont commencé ! » lui a-t-on répondu. Ce ne sont pas des dispositions bien belliqueuses. Lorsque M. Piou s’est engagé dans la discussion des théories concordataires de M. le rapporteur du budget, il s’est gardé de réveiller les passions ou des souvenirs irritans. Il s’est borné à rétablir avec une science lumineuse et décisive la vérité, l’autorité du concordat. Mais ce qu’il y a de plus caractéristique, c’est le langage du gouvernement lui-même. Le nouveau ministre de nos relations extérieures, M. Develle, qui faisait son début par la défense de l’ambassade française au Vatican, a enlevé l’affaire d’une parole nette, élégante autant que sensée. Il a signalé avec une discrète et spirituelle ironie les contradictions de ceux qui, autrefois, voulaient supprimer l’ambassade à cause des « tendances rétrogrades » du Vatican et qui veulent la supprimer aujourd’hui parce qu’ils craignent l’influence libérale du pape, parce que Léon XIII a parlé avec bienveillance de la république. Quant au nouveau ministre des cultes, qui avait son budget à défendre, il n’a point hésité. M. Charles Dupuy est même allé plus loin que M. Piou ; il a mis une sorte de crânerie à démontrer qu’on s’abusait avec toutes ces subtilités sur le concordat, que tout se tenait dans cette œuvre, que l’acte de 1801 avait son complément nécessaire dans l’organisation des cultes telle qu’elle s’est développée avec le temps. En un mot, entre les républicains du gouvernement et les conservateurs, la modération a été un lien. C’est par les modérés de tous les camps que la paix religieuse a eu son budget, son succès contre les radicaux accoutumés jusqu’ici à exploiter le conflit clérical pour assurer leur influence et leur domination. C’est ce qu’on peut appeler le signe ou le commencement d’une situation nouvelle.