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monochromes, disposées en mosaïque. Ces inscriptions s’entre-croisent de la façon la plus compliquée : les unes sont horizontales, les autres verticales ; souvent plusieurs d’entre elles, reconnaissables par les couleurs et par le style des caractères, se superposent. Il arrive qu’elles forment à elles seules tout le décor du monument, transformant ainsi la façade en une véritable page d’histoire ou en un recueil de sentences philosophiques et religieuses. Quelquefois, mais beaucoup plus rarement, à ces inscriptions ou à ces arabesques se mêlent des motifs représentant des animaux héraldiques, lions, griffons ou dragons. C’est ainsi que, sur les deux tympans qui encadrent la grande arcade de la façade du médressé de Chir-Dar, le plus moderne, mais le plus célèbre des médressés de Samarkande, celui que l’on appelle aussi la mosquée des Lions, on démêle, non sans difficulté, au milieu des arabesques, deux figures de lions sans crinière, aujourd’hui très endommagées et ressemblant à l’animal qui est représenté dans les armoiries de Perse. De même, à Oura-Tubé, petite ville située à 200 kilomètres de Samarkande, sur la route du Ferganah, le fronton d’un médressé, d’ailleurs bien moins beau que ceux de Samarkande, porte un décor analogue ; on y voit figurés, en un émail grossier, mais bien conservé, deux chevaux et deux tigres d’un aspect fort pittoresque.

Les façades des médressés de Samarkande, telles qu’elles viennent d’être décrites, sont flanquées chacune, ou plutôt étaient flanquées à l’origine, de deux hautes tours cylindriques, également revêtues de faïences vernissées où domine le bleu le plus vif. Des escaliers intérieurs, en très mauvais état, permettent, encore aujourd’hui, d’accéder, non sans quelque danger, au sommet de ces tours dont l’équilibre est bien compromis par les tremblemens de terre qu’elles ont eu à subir.

L’intérieur de tous les médressés du Turkestan est agencé sur un plan uniforme. Les deux petites portes pratiquées dans la façade donnent accès dans une cour intérieure, dallée, de forme carrée et chaque face des bâtimens qui encadrent cette cour présente en son milieu une grande arcade ogivale, c’est-à-dire un pichtak, analogue à celui de la façade, mais plus petit et ordinairement plus orné ; à droite et à gauche de cette voûte centrale s’étendent des arcades de moindre grandeur, formant deux étages et parfois plus. L’arcade du milieu est une sorte de chapelle affectée à la prière ; les parois en sont décorées de bas-reliefs ou d’inscriptions souvent taillés dans des matériaux très durs, tels que le jade ou le calcaire cristallin : aussi ces sculptures sont-elles bien conservées. Sous les colonnades latérales s’ouvrent des cellules qui servent d’habitations aux prêtres ou mollahs, et qui, à de