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chapelain ordinaire. Il est placé à la droite de l’empereur et à quelque distance.

Le sarcophage du grand Timour occupe à peu près le centre de la salle. Il est, tous les voyageurs l’ont répété, en pierre verte, et cette pierre, c’est, on s’accorde aussi à le dire, de la néphrite, la pierre magique qui, encore aujourd’hui, est si recherchée par les indigènes de toute l’Asie, et se paie un prix souvent exorbitant, suivant le degré de ses propriétés occultes, car elle a la vertu d’écarter les mauvais esprits. Le jade, ou néphrite, se trouve, comme on le sait, à l’état de blocs épars, arrachés peut-être eux-mêmes des filons inconnus, et toujours peu volumineux, dans certaines montagnes particulièrement inaccessibles du sud et de l’extrême ouest de la Chine : on en trouve au Yunnan, au Thibet, et le gisement le plus connu et le plus important est situé sur le versant oriental du massif montagneux du Pamir, non loin de Yarkend. Les géologues ne sont pas d’accord sur le mode de lorraation et sur l’origine de la néphrite, comme il convient d’ailleurs à des géologues sachant leur métier et discutant une question théorique, quelle qu’elle soit. Cependant ils admettent généralement que ce minéral rare est de formation zéolithique. De ce fait, il résulte, entre autres conséquences, que les blocs ne sauraient avoir une très forte dimension : ils dépassent rarement la grosseur du poing. On en fait des amulettes, et les Chinois les sculptent patiemment et délicatement en statuettes, en bijoux, ou y taillent des objets consacrés au culte.

On conçoit donc combien il a dû être difficile de réaliser le désir de Tamerlan, qui, non content d’avoir possédé la toute-puissance dans ce monde, voulut, pour mieux assurer son sort dans l’autre, avoir un cercueil de jade vert. Un bloc de cette matière, assez gros pour faire une pierre tombale, serait probablement introuvable ; il serait en outre intransportable, par-dessus les énormes chaînes de montagnes au-delà desquelles il faudrait le chercher. Aussi le sarcophage de Timour est-il en trois morceaux, soit qu’il ait été brisé, soit, ce qui est plus probable, qu’il ait été, dès l’origine, lait de trois blocs juxtaposés. Chacun de ces blocs constitue encore, tel qu’il est, une véritable curiosité minéralogique. La forme du sarcophage es>t élégante et d’ailleurs semblable à celle de presque tous les cercueils de grands personnages que l’on trouve en Boukharie : c’est un tronc de pyramide quadrangulaire, allongé, dont la plus petite base repose sur le sol, et dont chaque face visible est encadrée par plusieurs lignes d’inscriptions, ciselées en relief dans la pierre. Ces inscriptions sont en ces beaux caractères persans du XVe siècle, dont la forme est si nette, si élégante et si décorative à la fois.