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à ceux qui ne l’ont pas encore fait, le désir de suivre mon exemple. Voici quel fut l’emploi de mon temps et l’ordre des représentations auxquelles j’assistai : premier jour, Parsifal ; second jour, Tristan et Iseult ; troisième jour, « repos » ; quatrième jour, Tannhäuser ; cinquième jour, les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. J’éprouvai d’abord un sentiment de contrariété en apprenant que Parsifal ouvrait ma série : la dernière œuvre de Wagner étant considérée comme l’expression la plus complète de son génie, j’aurais préféré la voir représenter en dernier, afin de m’élever jusqu’à la plus haute cime par une ascension progressive. Je ne regrette plus aujourd’hui l’ordre des représentations. L’impression que laisse Parsifal est si profonde, si grandiose, elle déracine si bien toute résistance de la volonté qu’il vaut mieux la goûter de prime-saut, avant de s’être familiarisé avec le milieu où elle se produit. L’initiation, pour être plus rapide, n’en est que plus complète.

Dans Lohengrin, l’ouvrage précurseur de Parsifal, Wagner s’est inspiré de la pieuse légende du Graal : le saint Graal ! le vrai sang du Rédempteur, recueilli par Joseph d’Arimathie, dans un calice d’or que garde à Monsalvat une confrérie de chevaliers. Lohengrin, fils de Parsifal, en quittant la montagne sainte pour venir défendre l’innocente Elsa, nous apporte dans son poétique incognito comme un reflet de mystère, comme un parfum d’au-delà. Mais nous ne voyons que par la pensée la patrie mystique qu’il a quittée pour se mêler à des intérêts terrestres. Dans Parsifal, le mythe est abordé de front ; Wagner transporte le spectateur à Monsalvat, en plein sanctuaire du Graal, et découvre à ses yeux la profonde poésie des mystères chrétiens.

Du sujet de Parsifal, qui semble convenir à l’oratorio plutôt qu’au théâtre, Wagner a su dégager l’élément tragique en représentant la lutte des deux forces qui se combattent partout dans le monde : le mal et le bien. Les pouvoirs conjurés contre les gardiens du Graal sont le magicien Klingsor et la sorcière Koundry, sa vassale. La mission de Parsifal, le héros au cœur « simple et pur, » est de triompher d’eux et d’opérer le salut de Koundry en domptant sa force séductrice. Ce duel donne à l’ouvrage un caractère dramatique et son côté profondément humain. Le personnage d’Amfortas, — cette victime de Koundry, — que son incurable blessure rend inapte à remplir ses fonctions de roi, a fourni également à Wagner des épisodes dramatiques d’un effet puissant.

Tout d’abord, aussitôt que le rideau s’est ouvert après le prélude grandiose, on est saisi par la religiosité d’une mise en scène qui est une révélation. Tous les personnages, — même de simples figurans, — se meuvent avec une conviction, un respect de la