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le plus bas. Les disponibilités abondent à la Banque d’Angleterre, où la proportion de la réserve aux engagemens atteint 50 pour 100. Il ne venait donc du dehors à notre place que des incitations à la poursuite de la hausse.

La rente 3 pour 100 n’a pu toutefois dépasser le cours de 98 francs que le 11, après une semaine consacrée à la consolidation des prix obtenus. Le dernier cours est 98.17. Il sera peut-être dépassé, mais ce mouvement ne paraîtra ni bien naturel, ni vraiment sain et solide. Sans doute les transactions au comptant semblent ratifier l’assurance de la spéculation ; les rentiers, en dépit des agitations politiques, n’ont pas cessé d’avoir une confiance absolue dans le crédit national ; ils conservent leurs inscriptions et emploient encore à en acquérir de nouvelles les disponibilités créées par la mise en paiement des coupons de janvier. Cependant, même au comptant, l’intervention de la spéculation est assez manifeste ; sur le seul terrain des considérations de place, il y a déjà de suffisantes raisons de prudence.

La Caisse des dépôts et consignations, par exemple, n’apporte plus pour l’instant aux haussiers le concours de ces achats de rentes qui absorbaient naguère plus de 30 millions par mois. En janvier, il s’est produit aux caisses d’épargne un excédent de retraits sur les dépôts de 28 millions et demi. Dans la première décade de février, ce revirement s’est plus vivement accentué encore, malgré la loi votée avec tant de précipitation par le parlement pour réprimer le délit nouveau d’excitation aux retraits. Soit que les besoins de capitaux tiennent à des causes que ne soupçonnaient pas les promoteurs de la loi, soit que la loi elle-même ait produit un effet contraire à celui que l’on en espérait, il n’a été apporté du 1er au 10 février que 4,234,753 francs de dépôts nouveaux, et les déposans ont retiré 27,699,505 francs. L’excédent des retraits est donc de 23,464,000 francs, pour cette courte période de dix jours, et de 51,961,000 francs pour les quarante et une premières journées de 1893. Il y a là une indication que les haussiers auraient tort de négliger. Il ne saurait leur être indifférent que, pendant quelque temps, la Caisse des dépôts et consignations cesse d’être un des plus gros et des plus influens acheteurs de la place.

Ils auraient tort enfin d’oublier que la politique peut être exclue temporairement des préoccupations boursières, mais qu’il y aurait cependant une véritable exagération à vouloir faire considérer comme un égal motif de hausse le maintien ou la chute d’un cabinet. La chambre va être appelée, cette semaine sans doute, à discuter le projet de loi d’impôt sur les opérations de Bourse proposé par M. Tirard. La commission a rejeté ce projet et a proposé une autre combinaison à laquelle le ministre des finances a refusé son acquiescement. La commission, de son côté, persiste dans son opposition au projet primitif. La chambre tranchera le litige qui implique, on le sait,