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celles de M. Leydet, qui ne sont pas non plus celles de M. Cavaignac ou de M. Deschanel. En un mot, il y a autant d’idées, de programmes, que de groupes républicains. Comment les concilier ? Le plus simple est de ne rien dire, de n’avoir aucune politique ou de rester dans le vague de déclarations évasives, pour ne pas se diviser. De sorte que, tout compte fait, cette fameuse « concentration » se réduit à n’être qu’une alliance intéressée entre républicains, entre « les hommes qui ont représenté la république » depuis quinze ans, une assurance mutuelle devant le scrutin, un syndicat électoral, dont M. le président du conseil consentirait à être le gérant, en compagnie de M. Floquet et de M. Clemenceau. L’ambition serait par trop modeste !

Un des phénomènes les plus apparens, les plus caractéristiques de ces récens débats, c’est assurément cette sorte de passion jalouse et exclusive qu’ont laissée éclater certains républicains à l’égard de ceux qui, selon un mot piquant, « ont l’audace d’accepter la république, » — et aussi de ceux qui seraient tentés de favoriser ce mouvement. Peu s’en est fallu que M. Cavaignac ne fût accusé d’avoir tendu la main aux « ralliés, » d’avoir préparé la « conjonction des centres » contre les radicaux. On dirait que l’interpellation n’a été imaginée que pour rétablir les choses, pour offrir aux républicains une occasion de renouveler leurs défis et leurs déclamations, pour éloigner enfin et décourager les constitutionnels. M. le président du conseil lui-même n’a pas dédaigné cette tactique et s’est plu à accentuer les scissions, à constater ce qui séparait les constitutionnels de la majorité. Il a cru habile de provoquer M. Piou, sans doute pour mieux servir la cause de la concentration républicaine. Qu’ont-ils donc tous à craindre ? Ces « ralliés, » ces constitutionnels ne leur demandent rien ; ils ne paraissent pas avoir témoigné l’envie d’entrer dans la concentration républicaine, de réclamer une place qu’on ne veut pas leur donner dans la majorité républicaine. Ils savent bien qu’ils n’ont rien à attendre de l’esprit de secte qui a régné jusqu’ici, de ceux qui ont la prétention de se faire de la république un monopole, — même quelquefois un monopole fructueux. Ils savent parfaitement qu’ils n’ont pour le moment d’autre rôle que de rester libres et indépendans, de parler au pays, de lui montrer les résultats de la politique suivie depuis dix ans : les institutions faussées dans un intérêt de parti, l’autorité des lois affaiblie, la paix intérieure menacée par les agitations socialistes et par les défaillances de gouvernement, la moralité nationale troublée, les impôts grandissans, la république elle-même compromise par ceux qui prétendent la défendre. C’est le rôle qu’a accepté sans embarras M. Piou en relevant le défi qui lui a été adressé, en précisant sa position dans la république, en exposant avec autant de modération que d’esprit ses vœux et ses modestes revendications au sujet de l’exécution des lois scolaires. Il ne s’est pas