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qu’il semble, le sentiment. L’Italie traverse visiblement une crise assez sérieuse avec ses scandales financiers, son ministère embarrassé et sa politique provisoirement un peu troublée. Qu’y a-t-il de vrai dans toutes ces révélations qui se succèdent depuis quelque temps sur les malversations ou les irrégularités de ces banques d’émission aujourd’hui en désarroi ? Ce qui est certain, c’est qu’il y a eu des abus du genre de ceux qui ont fait tant de bruit en France, que la justice a son œuvre à poursuivre, qu’une partie du monde politique en est encore tout ahurie, qu’un député mis en arrestation vient de mourir dans sa prison. Ce qui est clair aussi, c’est que ces abus ne datent pas d’hier, qu’ils se sont passés sous plus d’un cabinet, que des hommes publics pourraient se trouver compromis, ne fût-ce que par la suspicion aussi malfaisante à Rome qu’à Paris, et que le ministère de M. Giolitti se ressent de tous ces abus, de tous ces incidens, de toutes ces révélations. M. Giolitti a jusqu’ici fait face à tout et a repoussé tous les assauts. Ces jours passés encore, il a eu à soutenir le choc de M. Crispi, qui avait cru sans doute le moment venu de rentrer en scène. M. Giolitti est resté encore maître du terrain ; mais il sort de toutes ces luttes de plus en plus affaibli. Et ce qui ajoute au trouble de cette situation créée par les scandales des banques, c’est que l’Italie se sent quelque peu déçue dans sa politique ; elle n’est pas satisfaite du rôle que ses alliés eux-mêmes lui font en Europe. Il n’y a que peu de temps, le chancelier d’Allemagne émettait des doutes sur l’efficacité des secours militaires qu’on pourrait attendre de l’Italie, et ce soupçon a sûrement blessé les Italiens. Tout dernièrement, il y a eu, à Vienne, une réunion où étaient présens des archiducs, des ministres de l’empereur François-Joseph, et où l’on a fait tout haut des vœux pour le rétablissement du pouvoir temporel du pape. On s’est hâté de récriminer à Rome, d’interpeller le gouvernement, et le ministre des affaires étrangères, M. Brin, n’a eu d’autre ressource que de pallier ces incidens ; d’éviter des explications délicates. Ce qui a été dit à Berlin ou à Vienne n’est pas moins dit et est ressenti à Rome. Bref, c’est de toute façon un moment difficile et surtout peu brillant pour l’Italie, jusqu’ici gâtée par la fortune.

Voici donc l’action engagée en Angleterre, et la grande, la souveraine question du home rule décidément livrée aux discussions du parlement. M. Gladstone était tombé en 1886 pour avoir osé aborder le grave et généreux problème de l’émancipation irlandaise ; il s’est relevé aux élections dernières avec le même programme, et maintenant ramené au pouvoir, il rompt le silence qu’il gardait depuis six mois : il vient de porter au parlement la réforme destinée sans doute à être la dernière œuvre de son éclatante carrière. Ce n’est plus un programme vague et sommaire de meeting ou de journal ; c’est un