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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/248

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résolu à cette grande séduction. Elle continua à parler un idiome sémitique, à penser en sémitique. Elle ne participa à la science grecque que dans une mesure très restreinte. Elle ne sut rien de cette littérature qui faisait délirer toutes les parties éclairées de l’humanité ; elle ignora le canon suprême de la raison et de la beauté qui venait d’être fixé.

La vie grecque se composait de quelques pièces indispensables, d’une sorte de discipline extérieure exigeant des établissemens publics et, à certaines heures, une activité en commun, une éphébie pour la jeunesse, un théâtre pour les affaires publiques et la culture littéraire, des bains, un gymnase et un xyste pour les exercices du corps. Le soin de sa personne était l’essentiel de la vie d’un Grec. Certes la propreté et l’hygiène tiennent une place considérable dans la vie d’un Oriental qui se respecte (Juif de l’ancienne école ou musulman) ; mais la pédagogie grecque avait de bien autres exigences. Les luttes et les exercices factices de la gymnastique sont antipathiques aux Orientaux. Les nudités qu’entraînait la palestre grecque les choquaient. Ils y voyaient un acheminement à des vices contre lesquels, malheureusement, la Grèce ne prenait pas assez de précautions[1]. La circoncision était souvent, au gymnase, un objet de raillerie[2]. L’émulation que ces jeux entretenaient paraissait aux Israélites zélés une mauvaise chose, et autant d’enlevé au sentiment des gloires nationales[3].

La ville de Jérusalem se partageait ainsi en deux camps. Une moitié, affolée du désir d’imiter les usages grecs, ne négligeait rien pour gréciser ses allures, son costume, son langage. À ce parti grécomane, s’opposaient les gens pieux, à idées bornées, ceux qu’on appelait les hasidim, hostiles même à ce que la civilisation grecque avait d’excellent, n’écrivant qu’en hébreu ou en araméen et dans les cadres de l’ancienne littérature. Cette division profonde répondait à une autre, plus profonde encore. La majorité de la communauté juive était fervente ; mais il y avait aussi dans son sein beaucoup de tièdes, beaucoup de gens à peine juifs, ennemis de ce que le genre de vie selon la Thora avait d’étroit. Ce groupe indévot était une proie tout offerte à une propagande venant du dehors, surtout quand tous les courans du moment poussaient dans le même sens. Les hasidim, de leur côté, formaient une coterie, une « synagogue » tout à part[4].

La Thora exécutée comme une loi par une autorité civile juive

  1. II Macch., IV, 12.
  2. Saint Paul, p. 66 et suiv. ; Marc-Aurèle, 556.
  3. II Macch., IV, 15.
  4. I Macch., II, 42, édit. Fritzschc.