ici l’équivalent de ce que furent ailleurs municipalité et patrie. Il commit la faute la plus grave que puisse commettre un souverain, qui est de s’occuper de la religion de ses sujets.
Il était fort intelligent, généreux, porté au grand[1], et il fit d’Antioche un centre très brillant, bien que non comparable à Alexandrie pour les sciences et les lettres sérieuses. Il fut en quelque sorte le second fondateur de cette ville, qui jusque-là n’avait pas pris de grands développemens. Antioche devint un des points rayonnans les plus actifs de l’hellénisme. La tentation devait être forte de faire régner cette haute civilisation rationnelle sur des pays qui n’avaient connu jusque-là que des cultures inférieures, sur des religions qui portaient presque toutes une tare de superstition ou de fanatisme. On peut dire que, si Antiochus le Grand n’avait pas rattaché la Palestine à l’empire séleucide, l’entreprise d’Épiphane, se bornant alors à helléniser le nord de la Syrie, eût réussi. Mais le judaïsme présenta une opposition invincible. En l’attaquant, Épiphane s’attaqua à un roc. Il ne se contenta pas, en effet, de refréner les excès du fanatisme, de garantir la liberté des dissidens, de faire régner sur tous les cultes une loi civile égale. Il voulut vraiment supprimer le judaïsme, forcer les Juifs à des actes qu’ils tenaient pour idolâtriques[2]. On l’a comparé à Joseph II ; la comparaison n’est pas exacte ; car Joseph II ne fit que maintenir les droits de l’État laïque au milieu des prétentions exagérées de la théocratie. Épiphane fut véritablement un persécuteur, et, comme son caractère manquait d’équilibre, la résistance le poussa jusqu’à la folie. Ses contemporains, jouant sur son épithète royale, l’appelèrent Épimane. Il semble, en effet, qu’il arriva, par momens, à des accès de folie caractérisés.
C’est ici la première persécution dont la théocratie sortie des prophètes juifs fut l’objet. Antiochus obéit au même principe que les empereurs romains, souvent les meilleurs, moins excusable, en ce que le judaïsme était limité à un pays, tandis que le christianisme était un mal général qui minait l’empire. Ce feu roulant de plaintes réciproques entre l’État et l’Église ne cessera plus jusqu’à nos jours. Il y a contradiction, en effet, entre une société se prétendant fondée sur une révélation divine et la large société humaine ne connaissant que les liens du droit et de la raison. Marc-Aurèle, qui était un autre homme qu’Antiochus Épiphane, persécuta comme