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Jésus, qui, selon la mode des hellénisans, se faisait appeler Jason, était à la tête du parti grec. L’effort de ce parti consista dès lors à faire destituer Onias pour mettre en sa place Jason. Ce dernier fit au roi d’énormes promesses d’argent. Il s’engagea, en outre, à travailler de toutes ses forces à l’hellénisation de Jérusalem, en particulier à y faire bâtir un gymnase et une éphébie. Les habitans de Jérusalem devaient être inscrits comme Antiochéniens et considérés comme citoyens d’Antioche. Antiochus agréa ces propositions. Onias fut donc déposé et Jason mis en sa place[1]. L’hellénisation alors fut poussée à outrance. Le gymnase fut bâti ; la jeunesse y afflua ; on vit des prêtres abandonner leur service à l’autel pour aller s’exercer à la palestre. Ce fut une vraie fièvre d’innovation et de transformation ; chacun fut occupé à dissimuler sa circoncision, à se donner la tournure d’un Grec. Jamais la destinée d’Israël ne courut plus de dangers qu’à cette heure néfaste (vers 172 avant J.-C). Un effort de plus, la Bible hébraïque était perdue, la religion juive effacée pour jamais.

Jason ne se laissait arrêter par aucun scrupule. L’année où tombèrent les fêtes quinquennales de Melkarth à Tyr, il envoya un riche cadeau, pour faire montre de largeur et de générosité ; les porteurs de ce cadeau furent plus timorés que le grand-prêtre. Ils remirent l’argent ; mais ils s’arrangèrent de manière qu’il ne reçût pas un emploi directement liturgique.

Jason ne garda le pouvoir que trois ans. Un certain Onias, qui se faisait appeler Mènélas, et qui est parfois présenté comme frère de Jason[2], le supplanta (171), en promettant à Antiochus des sommes d’argent encore plus fortes. Pour payer cette espèce de tribut, il s’empara des trésors du temple et commit toutes sortes de crimes[3]. Le vieux grand-prêtre Onias III s’était retiré à Daphné, près d’Antioche ; c’était un homme droit et d’une grande indépendance de paroles ; Ménélas le fit assassiner. Ainsi périt le dernier grand-prêtre sadokite. Depuis le retour de la captivité de Babylone, on n’avait pas pris un seul grand-prêtre hors de la race de Séraïah.

Jason, quoique déposé, continuait ses menées. Ce fut entre ces deux scélérats une sorte de rivalité pour savoir qui ferait le plus de mal à son pays. On ne saisit pas bien le fil de toutes ces intrigues. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en 170 Antiochus, revenant d’une de ses expéditions d’Egypte, entra dans Jérusalem, y fit couler des

  1. II Macch., IV, 7-10.
  2. Jos., Ant., XII, V, 1 ; cf. XV, III, 1 ; XIX, VI, 2.
  3. II Macch., IV, 27-50.