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Le siècle n’était pas littéraire ; la langue était plate et abaissée. C’est dans l’ordre des sentimens et des opinions religieuses que les modifications les plus importantes se produisaient. Israël chassait sur ses vieilles ancres. Les anciennes positions n’étaient plus tenables. L’espèce d’horizon fermé qu’Israël avait eu jusque-là devant les yeux devait à tout prix être reculé. Des rêves d’infini, barrés par un mur, voilà ce qu’a fait jusqu’ici Israël. Le mur va tomber ; Israël va enseigner au monde l’immortalité qu’il a ignorée jusqu’ici et que même il n’a jamais dogmatiquement professée.


III

L’idée que la vertu doit être récompensée est la plus logique des idées qui composent l’esprit humain[1]. L’idée que la vertu est en effet récompensée est une affirmation hardie à laquelle l’Israélite se trouva mené par sa confiance absolue en la justice divine.

  1. Le moyen âge l’exagéra naïvement. Les bêtes, n’ayant pas d’âme immortelle, doivent être récompensées ici-bas. Une petite biche, que des religieuses avaient stylée à saluer la Vierge, à se mettre à genoux sur un prie-Dieu, tourmentait beaucoup ces bonnes filles. Il est clair qu’il ne pouvait y avoir pour elle de paradis. Les religieuses, pour que sa piété ne restât pas sans récompense, la bourraient de confitures. Le lion qui a creusé la fosse pour le corps de saint Antoine, premier ermite, est payé de son travail par la rencontre d’un mouton, qu’il dévore. Car le lion, comme toute autre créature, mérite son salaire. L’homme est beaucoup moins bien traité ici-bas ; car il a la vie éternelle.