Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les villages d’Indiens des individus ayant le type européen très accusé et qui ne sont en rien supérieurs à leurs voisins. Au Mexique, plus que partout ailleurs, l’on se convainc que l’influence de la race à elle seule est au bout de quelques générations beaucoup moins énergique que celle de la religion, de l’éducation et de la manière de vivre. En réalité, les sangs ont été très mêlés. Les Indiens ont toujours été regardés comme une race noble et l’union de Cortez avec la belle doña Marina dès le début de la conquête donna l’exemple d’alliances qui ont été très multipliées. De son côté, l’Église ouvrit promptement l’accès du sacerdoce aux Indiens ; car ils ont toujours eu l’esprit très ouvert aux études. Au XVIe siècle, plusieurs descendans de l’aristocratie indigène entrèrent dans les ordres religieux, particulièrement chez les Jésuites. Actuellement, la grande majorité du clergé se recrute parmi les Indiens et les métis. Un certain nombre de familles espagnoles, plus ou moins fraîchement immigrées, ont conservé la pureté de leur sang. C’étaient elles qui, avant la désamortisation des biens d’Église, formaient exclusivement la classe des grands propriétaires. La vente des biens nationaux a introduit dans ses rangs des élémens nouveaux. Ces familles appartenaient généralement au parti conservateur : mais depuis la mort de Maximilien, elles ont été mises complètement à l’écart de la politique. Cette classification ne sort pas toutefois du cercle étroit que, à Mexico comme à Paris, on appelle la société et elle y reste même à l’état de nuance. Les Espagnols, et tout particulièrement le clergé, ont eu le grand mérite de ne pas laisser s’implanter les préjugés de race qui sont dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, la source de si graves difficultés. Même les gens qui ont du sang noir dans les veines, car, dans les terres chaudes du bord de l’Atlantique, on a importé au XVIIe et au XVIIIe siècle des noirs qui se sont mélangés aux populations indiennes, même ces métis-là ne sont l’objet d’aucune disqualification absolue, non-seulement au point de vue civil et politique, mais même au point de vue social. Le général Porfirio Diaz est dans ce cas, et cela n’a nui en rien ni à sa carrière ni même à son second mariage. Juarez était un Indien. L’archevêque actuel de Mexico, Mgr Alarcon, est presque un Indien pur sang. Il a succédé sans aucun hiatus à Mgr Labastida qui appartenait à une ancienne famille d’origine espagnole.

Les métis sont la classe dirigeante au Mexique depuis que le triomphe du parti libéral a rejeté hors de la vie politique le clergé et les grands propriétaires. L’expression est absolument juste pour le pays ; car les masses de la population indienne sont incapables de se diriger elles-mêmes. Dès 1810, les métis ont été les