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Recommençons sur lui l’analyse. Mais si, à force de le presser, nous réduisons à rien chacun de ses élémens, M. Bonghi s’engage-t-il à venir complètement à résipiscence ? Si nous démontrons que Léon XIII n’a jamais demandé à la France (cela n’eût pas paru, en vérité, exiger une démonstration), que Léon XIII n’a jamais attendu et n’attend pas de la France la restauration du pouvoir temporel, que ni historiquement, ni politiquement, ni même, — comment dire ? — moralement, il ne pouvait l’attendre d’elle, ce charmant et fécond écrivain, « qui m’est très cher, à moi aussi, » pur carissimo anche a me, M. Bonghi s’engage-t-il à multiplier ses articles et ses efforts pour que l’Italie sorte enfin d’une conspiration internationale où rien ne la retient et où elle n’a rien à faire ? Conspiration dans laquelle elle n’est entrée, la remarque est assez piquante, que par peur des amis autant que des adversaires qu’elle se donnait, car l’Italie s’est demandé : Qui pourrait avoir l’idée de rétablir le pouvoir temporel des papes ? Peut-être l’Allemagne. Probablement l’Autriche. Et d’autre part ? La France. Qui est le plus fort ? La France a battu l’Autriche en 1859. Mais la Prusse l’a battue aussi en 1866, et, de plus, l’Allemagne a battu la France en 1870. Mais, réunies, l’Allemagne et l’Autriche feraient mieux encore… Dunque

« Et est la nature de ce peuple d’Italie, dit Comines, notre Machiavel, français (Machiavel en dit bien d’autres de la France), de toujours complaire aux plus forts. » Mais vouloir complaire aux plus forts, c’est justement ce que M. Geffcken, le diplomate et M. Bonghi reprochent amèrement à Léon XIII. À ce compte, ce serait la France qui serait la plus forte, et alors, pourquoi l’Italie s’entête-t-elle dans la triple alliance ? Par crainte du rétablissement du pouvoir temporel ? Démontrons lui, avec son propre témoignage, que si elle doit le redouter de quelque côté, c’est bien plutôt de l’Allemagne et de l’Autriche que de la France, et puis nous lui démontrerons, avec notre témoignage, à nous, qu’il n’y a pas, entre le saint-siège et la France, une question du pouvoir temporel ; que la chimère, si chimère il y a, c’est elle qui se la forge ; et pour tout dire d’un mot, qu’elle n’a point ici d’ennemi qu’elle-même.


IV

Le 20 septembre 1870, le général Raffaele Cadorna, commandant les troupes italiennes, prit possession de Rome au nom du roi Victor-Emmanuel. On peut croire qu’avant de se décider à cet acte exceptionnellement important à cause du caractère particulier de Rome, centre de l’unité catholique, métropole et chef-lieu de la