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sont en forme de dialogue, et les dramatis personœ tiennent à la plus haute noblesse de la ville), rappelle que sa casa est alliée à la maison d’Autriche, et qu’au XIe siècle elle a étendu son bras protecteur sur le pape Urbain contre des forces ennemies redoutables. Capoccia n’est pas en reste de glorification au sujet de ses ancêtres, et Marc-Antonio lui-même fait, sous ce rapport, violence à sa modestie ; mais il se dit tellement desgratiato, que pour vivattare, il en est réduit à s’occuper de la culture des champs et « à traiter (tourment suprême ! ) d’affaires rustiques avec bien des personnes abjectes et viles… Pindare l’a déjà proclamé, que contre le fatum ne prévaut ni conseil, ni effort humain, ni feu ardent, ni mur d’airain… »

Ces barons romains du XVe siècle n’ont pas eu le génie ou l’adresse de leurs contemporains Sforza, Malatesta, Bentivogli, etc. ; ils n’ont pas songé à couvrir leurs nudités morales de la pourpre éblouissante du rinascimento. Dans leurs castels de Marino et leurs donjons de Monte-Giordano, ils continuaient à combiner, comme par le passé, des actes de violence et des coups de condottieri, pendant que les Barbo et Grimani de Venise, les Rovere et Riari de Gênes, les Medici et Soderini de Florence, les Piccolomini et Chigi de Sienne, les Castellesi de Corneto, les Carafa de Naples, les Borgia d’Espagne, les Estouteville de France, se construisaient des palais et des musées dans la nova urbs, et que le plus illustre parmi ces intrus, un roturier de la Ligurie, un « fils de paysan, » faisait rebâtir Saint-Pierre, peindre la Genèse et la Dispute.

Albertini ne parle pas de la Dispute du Saint-Sacrement et ne fait pas même mention du nom de Raphaël. Il nous dit bien que Michel-Ange exécute de belles peintures dans l’oratoire de Sixte IV, mais n’en indique pas d’un seul mot le sujet qu’il ignore très probablement. L’Opusculum du Florentin porte, à sa dernière page, la date du 3 juin 1509 ; à cette date, le jeune Santi n’en est qu’au début de ses travaux dans la Stanza della Segnatura, et Buonarroti reste toujours enfermé dans sa mystérieuse chapelle dont il défend sévèrement l’entrée aux profanes. Je doute aussi qu’à ce moment les quatre énormes piliers de Bramante (l’excellent chanoine les voit déjà « toucher au ciel ! ») se soient élevés très haut au-dessus du sol… Les plus grands mirabilia novœ urbis sont encore à venir.


JULIAN KLACZKO.